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responsable à l’État et comptable au roi des rois, qui l’a revêtu d’honneur et de gloire à condition expresse d’en acquitter toutes les charges et les devoirs, dont le plus important et le plus continuel est d’être bien instruit des hommes pour se servir d’eux bien à propos. Je sens qu’un prince très-délicat sur la charité du prochain pourroit s’effaroucher aisément de ce qui est dit un peu crûment par rapport à sa délicatesse, par la comparaison des viandes immondes devenues permises et quelquefois commandées ; mais il ne doit pas séparer de cette expression la réflexion du sens auquel elle est proposée, qui réservant aux délations et aux mauvais offices toute l’horreur qui les doit toujours poursuivre et proscrire, conserve également une sage et nécessaire liberté de vérité et de lumières qui doit être le motif des instructions qu’il faut rechercher, et l’âme de l’usage qui s’en doit faire.

Cette matière des conversations, m’ayant comme insensiblement conduit à ce qui leur pouvoit être opposé par la considération de la charité du prochain, me fournit une occasion si naturelle de dire ce que je pense de la dévotion de Mgr le duc de Bourgogne que je ne croirois pas remplir ce que je me suis proposé, si, tout profane que je suis, je ne hasardois d’en découvrir aussi mes pensées. Ce don de Dieu si grand, si saint, si utile, même pour bien gouverner les choses de ce monde, pour le bonheur temporel de ce monde même, ce don si rare, si désirable en tout homme, l’est encore davantage à proportion de leur puissance et de leur élévation ; c’est un don qui apprend, avec une singulière excellence, aux grands rois qu’ils ne sont faits que pour le bien et le bonheur de leurs peuples, et que rien n’est plus particulièrement fait pour eux que pour le dernier de leurs sujets. C’est encore ce don qui leur enseigne à pratiquer éminemment cette justice qui s’étend à tout et dont ils sont si étroitement redevables à Dieu et aux hommes, qui leur apprend à découvrir leur petitesse parmi