Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/196

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui sont par leur naissance destinés à régner, surtout quand leur âge est devenu capable de porter leurs devoirs, et qu’ils se trouvent appelés aux affaires.

C’est l’évidence et la force de cette juste considération qui doit non pas affranchir Mgr le duc de Bourgogne de ses scrupules sur la charité du prochain, mais les lui faire changer en d’autres, et l’obliger à porter cette lampe, dont il se sert si soigneusement pour éclairer tous les replis de son cœur et de sa conscience, non plus à l’examen rigoureux de ce trop scrupuleux plus ou moins qui lui sera échappé sur quelqu’un ou aux autres en sa présence, mais bien sur tout ce qu’il auroit dû savoir, et qui lui est échappé par ce dangereux change de scrupules, et dont l’ignorance ne va à rien moins qu’à ce qui vient d’être dit plus haut, et à la perte de ce temps si précieux pour acquérir la connoissance des hommes et leur communiquer la sienne, avant que Dieu lui en diminue les moyens en l’appelant à la couronne, comme j’ai tâché de l’expliquer au commencement de ce Discours.

Cette maxime si sûre, que la charité est due au public aux dépens du particulier, ne peut donc être assez méditée par Mgr le duc de Bourgogne. Il y découvrira que ce qui est défendu à la plupart des hommes entre eux en qualité de discours inutiles, vains, dissipés, légers, de médisance, de calomnie, de prévarication de charité, que tout cela, dis-je, sont les viandes immondes de l’ancienne loi, permises dans la nouvelle, commandées en certains cas ; je veux dire que l’usage de tout cela, réglé par la droiture de son intention et par la nécessité et la charge de son état, lui est permis et commandé, et permis et commandé aux autres envers lui, à qui ils doivent toute vérité et toute information par respect pour ce qu’il est, et par la charité qu’ils doivent au public et à l’État, au timon duquel Dieu même l’a mis, et qu’il ne peut tenir avec un bandeau sur les yeux sous aucun prétexte, pour saint qu’il paroisse, sans en devenir à l’instant