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Le monde, indulgent aux vices qu’il éprouve, passeroit même difficilement cette unique compagnie de femmes à un prince qui y seroit porté par ses plaisirs. Combien la trouvet-il donc surprenante dans Mgr le duc de Bourgogne, dont il ne connoît que trop l’exactitude des mesures qu’il n’est pas capable d’admirer ?

C’est donc cet arrangement qu’il seroit le plus important de rompre comme mauvais et nuisible en soi-même, et comme obstacle encore à ce qu’il y a de meilleur, je veux dire à cette connoissance si essentielle des hommes à laquelle cette assiduité parmi des femmes qui au moins n’apprend rien et perd cependant un temps précieux, sert de barrière continuelle, et pour venir à quelques détails que cette grande matière demande, il seroit infiniment à souhaiter que Mgr le duc de Bourgogne ne se contentât pas de tenir une cour mêlée par un jeu qu’il a néanmoins été excellent d’établir, et qu’il est très à propos d’entretenir pour avoir occasion de parler et de gracieuser le monde, mais qu’il s’accoutumât aussi à un commerce d’hommes plus familier et plus instructif, ce qui ne se peut que par des conversations particulières qui lui concilieroient les esprits et les cœurs, qui les lui feroient pénétrer, et qui le feroient connoître effectivement aux autres. Les occasions en seront continuelles, pourvu qu’une volonté de bonne foi soit le fruit de la persuasion de l’extrême importance et nécessité de le faire. Il aime à se promener : pourquoi se fera-t-il une prison du gros qui l’y accompagne, et pourquoi n’en prendra-t-il point quelqu’un, tantôt un lieutenant général distingué, et puis un autre qui le sera moins, mais qui sera instruit à fond des faits obscurs d’une campagne ? une autre fois un seigneur qui aura en soi autre chose que son nom, ensuite un personnage de plume qui aura négocié ? en un mot une fois des uns, une autre fois des autres, mais presque toujours quelqu’un avec lequel il s’avançât seul hors de sa cour ; et se faisant suivre par son officier des gardes hors de