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princes, ressort si puissant sur les sujets, espèce de dette que l’amour-propre exige avec tant de rigueur, et qu’il est si avantageux aux princes qui soit ainsi exigée, mais que les distractions abolissent en lui ôtant au moins son cours avec peu de grâce qui s’interprète encore plus mal parmi le monde qui en est si avide, par le peu qu’il comprend qu’il doit coûter au prince.

Moins de temps donné au cabinet et plus précieusemeut employé, comme je viens de le dire, en fourniroit beaucoup plus pour la vie publique qui forme si uniquement les liens réciproques d’un prince et d’une cour qu’il doit regarder comme un abrégé de l’État, et par là même plus d’occasions et de moyens de connoître les hommes par eux-mêmes, ce qui ne s’acquiert que par leur fréquentation. Plus Mgr le duc de Bourgogne a de devoirs à remplir par la jouissance que Dieu lui accorde encore de la vie précieuse du roi et de Monseigneur, plus il doit être bon ménager du temps qu’il doit donner au monde aux dépens de son cabinet, pour pouvoir fournir à ses devoirs de sujet et de fils, et à ceux où l’engage sa naissance envers la cour et le monde, puisqu’il doit faire assidûment deux cours, et cependant en tenir une soigneusement lui-même ; il a cet avantage de voir, dans la conduite de Monseigneur envers le roi, ce que lui-même doit faire envers l’un et l’autre, et il s’y porte si naturellement à souhait que, s’il vouloit ajouter au respect et à l’assiduité du sujet un peu plus de la liberté du fils et du petit-fils, il augmenteroit la dignité de la bienséance de ses manières avec eux, et ne leur plairoit pas moins en leur donnant lieu à un épanchement plus doux avec lui qui, sans rien ajouter à l’amitié et à la confiance qui ne peuvent être désirées plus entières, attireroit peut-être davantage ce qu’on ne peut bien exprimer que par dire se trouver bien à son aise, et les flatteroit plus sensiblement par cette sorte de respect plein d’onction qui n’est permis qu’aux enfants des rois. C’est un remède délicat et doux contre une timidité