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cabinet, et sa trop grande complaisance pour le goût qu’il conserve de l’étude des sciences, et pour le plaisir d’en parler. Quelques mots rares dans des occasions convenables sont bienséants dans la bouche d’un prince qui sait et qui veut exciter et honorer les sciences et les savants ; mais il est aisé, quand on en est plein et qu’on s’y plaît trop, d’excéder en cela et de donner lieu au murmure d’une cour ignorante, mais instruite pourtant que ce n’est pas le fait d’un grand prince, et que cela le distrait par trop de ce qui doit faire son application principale.

Il seroit donc à désirer que Mgr le duc de Bourgogne, moins assidu dans son cabinet après y avoir rempli les devoirs du christianisme, n’occupât toute sa solitude qu’à la lecture des histoires et des choses qui se rapportent à ce que les livres peuvent contribuer à la connoissance des hommes, à la science du gouvernement, et à quelques remarques là-dessus courtes, mais pleines, et qu’il regardât cette sorte d’occupation comme son unique affaire, comme la seule pour laquelle il lui est permis de se dérober à la vue de la cour, et j’ajouterai, sans crainte, comme une sorte de prière qui, dans un homme de son rang, n’est pas moins précieuse devant Dieu que la meilleure prière de ceux dont l’état ne les en distrait point. Rempli de la sorte par cette étude si conforme à l’humanité, et à laquelle elle se porte plus naturellement qu’à aucune autre, Mgr le duc de Bourgogne trouveroit un remède qui lui est nécessaire contre les distractions que les sciences abstraites nourrissent, et que le monde passe si difficilement aux plus grands hommes, bien moins encore à ceux qui doivent devenir les maîtres de tous, et dont, par conséquent, le monde et chaque particulier regardent les distinctions comme un larcin de leurs biens acquis, je veux dire d’une application à eux, à leur parler, à leur répondre, simplement même à les remarquer, à les distinguer au moins de l’air, et par les manières, enfin à s’apercevoir d’eux, monnaie si utile aux