Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/180

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état me laissent plus répandu que vous, et plus exposé à ses sottises.

Les devoirs d’un roi étant infinis, il ne semble pas que ce soit un bonheur, pour ceux que Dieu appelle au trône par le droit de leur naissance, d’y monter de bien bonne heure, et puisque dans les états, même de toutes les conditions, la vie privée doit former aux emplois, et de ne s’occuper que de se rendre dignes de ceux auxquels porte naturellement la profession où on se trouve engagé, puisqu’il seroit également inutile et trop immense pour la portée de l’esprit humain de tendre tout à la fois à se rendre capable de tous les emplois possibles, il paroît qu’un prince que la couronne d’un grand État regarde ne doit occuper tous les moments qu’il ne la porte pas encore, qu’à se rendre capable de ce poids par toutes les connoissances qu’il exige, et comme leur nombre est infini, à faire un juste choix des plus importantes, certain que leur acquisition suppléera de reste à toutes les autres, et que le point capital ne consiste qu’en la sagesse de ce discernement, et après l’avoir fait en une application continuelle à s’instruire de ce qu’on s’est proposé de savoir parfaitement ; mais il ne semble pas moins nécessaire d’ajouter une seconde partie à cette première, et c’est de faire un tel usage de cette sorte d’étude, qu’un prince ne se contente pas de se rendre capable de l’autorité souveraine ; s’il n’arrive encore à persuader à ceux qui seront un jour ses sujets qu’il est déjà et qu’il deviendra de plus en plus digne de leur commander.

Rien n’embrasse mieux tout à la fois ces deux points de vue si principaux que de joindre à la connoissance des sciences qui ouvrent d’abord l’esprit, qui l’aiguisent dans la suite, et, ce qui est bien plus important à un prince, celle de l’histoire de son pays, ce qui renferme bien des choses, d’y joindre, dis-je, la connoissance des hommes, sans laquelle l’esprit le plus éminent et le plus éclairé, ni les précautions les plus exactes ni les plus vigilantes, ne peuvent