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repas et d’y ajouter ce qui me pourroit venir avec plus de temps et de loisir que nous n’en avions eu le matin. Je m’en défendis, parce qu’il ne pouvoit pas l’avoir oublié, et que je croyois avoir dit à peu près tout ce qu’il y avoit à dire. Il me pressa et j’obéis. La conversation fut fort longue et peu contredite. Lorsqu’elle fut épuisée, il me proposa de mettre par écrit ce qu’il me sembloit de la conduite de ce prince, et ce que j’estimois qu’il y dût corriger et ajouter. La proposition me surprit ; il me pressa, je m’en défendis, et je lui demandai ce qu’il prétendoit faire. Il me répondit qu’un discours de cette nature pourroit faire grand bien à Mgr le duc de Bourgogne ou au moins lui être utile à lui-même (duc de Beauvilliers) en parlant à ce prince. Je m’en défendis encore davantage, et je me retranchai sur le danger de découvrir à ces gens-là qu’on les connoît si bien. Il me rassura là-dessus tant qu’il put sur la vertu et la manière de penser de Mgr le duc de Bourgogne ; et finalement nous capitulâmes, moi que j’écrirois, lui qu’il ne feroit aucun usage de mon écrit que de mon consentement. Nous nous séparâmes de la sorte pour rejoindre la compagnie dans la maison, moi toujours dans la surprise de ce qu’il exigeoit de moi, résolu néanmoins de lui obéir par un discours ostensible à Mgr le duc de Bourgogne. J’y travaillai peu de jours après.

J’en fis à peu près la moitié dans ce dessein qu’il pût être montré au prince, mais la plume me tourna après dans les doigts par la nécessité de n’omettre pas des choses très-nécessaires. Je m’y abandonnai alors, mais dans la résolution d’en ôter plusieurs traits au cas que M. de Beauvilliers voulût le lui faire lire, lesquels toutefois me paraissoient indispensables. J’en gardai un double que, bien qu’un peu long, je ne renverrai point parmi les Pièces, mais j’insérerai ici, parce qu’il donne une grande connoissance de Mgr le duc de Bourgogne. Il est adressé au duc de Beauvilliers. Les premières lignes en marquent l’occasion ; et, s’il