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de dire que le roi feroit bien mieux, et une œuvre bien plus agréable à Dieu, de payer ses troupes qui mouroient de faim que d’entasser tant de choses superbes, aux dépens du sang de ses peuples qui périssoient de misère sous le poids des impôts ; et il alloit paraphraser encore cette morale sans M. de Castries, aussi considéré qu’il étoit imprudent, qui le retint et lui fit peur de Fornaro ; mais il en avoit bien assez dit, et dès le soir même le roi le sut mot pour mot. Les lettres que M. de Metz écrivit à ses amis, étant à Metz, depuis ces affaires d’Orléans, ne furent pas plus discrètes. Depuis le fatal secret trouvé par M. de Louvois pour violer la foi politique et celle des lettres, le roi en vit toujours les extraits, et c’étoient des nouveaux sujets de colère, qui le piquoient d’autant plus que, retenu par la nature des voies qui l’informoient, il ne vouloit pas la montrer. Aussi se plut-il pendant près d’une année complète à se venger cruellement de M. de Metz, en suspendant son état sans en vouloir ouïr parler, et à se moquer de lui après. Quand il crut enfin que cela ne se pouvoit soutenir davantage sans une iniquité trop déclarée, il fit dire un matin par Pontchartrain à M. de Metz qu’il n’avoit pas besoin d’éclaircissements sur son affaire ; qu’il n’avoit jamais douté qu’il ne fût duc et pair de plein droit par la mort de son frère ; qu’il avoit eu des raisons pour en user comme il avoit fait ; mais qu’il trouvoit bon maintenant qu’il prît le titre, les marques, le rang et les honneurs de duc et pair ; et qu’il lui permettoit aussi de se faire recevoir au parlement en cette qualité quand il voudroit. Il étoit lors à Versailles et moi aussi. À l’instant il me le manda, parce qu’il me savoit grand gré de la manière dont j’avois pris sa défense. Une heure après il fut remercier le roi, mais il n’en put tirer quoi que ce fût sur les raisons qu’il avoit eues. Il fut reçu honnêtement, et ce fut tout. Aussitôt il prit tout ce qu’il auroit dû prendre dès l’instant de la mort de son frère, et se disposa à se faire recevoir au parlement.