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aux dépens. Je pouillai le duc de Coislin tant que je pus, qui étoit ravi et mouroit de rire.

Il étoit notoirement impuissant, et pour cela même se ruinoit avec une comédienne, qui le gouverna jusqu’à sa mort, et à qui sa famille, et tout ce peu de gens qui pouvoient avoir affaire à lui, faisoient leur cour. Il étoit veuf depuis longtemps de la sœur d’Alègre, depuis mort maréchal de France, qu’il avoit rendue fort malheureuse : M. de Metz et la duchesse de Sully, son frère et sa sœur, étoient ses héritiers. Il mourut à Paris, dans le temps du mariage de M. de Vendôme, pendant que le roi étoit à Marly, où j’étois ce voyage. On y apprit cette mort entre midi et une heure. La dignité passoit de plein droit à M. de Metz, son frère unique, et cela fit la conversation.

Le comte de Roucy qui, sans avoir le sens commun, mais beaucoup de brutalité, d’assiduité et de bassesse, étoit de tout à la cour de Monseigneur, et quoique sans estime, depuis Hochstedt surtout, point trop mal avec le roi, étoit aussi avec un air de bon homme et sans façon avec tout le monde, et particulièrement avec les valets, à qui cela plaisoit fort, le plus envieux de tous les hommes, et en dessous le plus sottement glorieux. [Il] se trouva choqué que M. de Metz devînt duc et pair. Il alla chez Monseigneur, à qui il dit que l’évêque de Metz seroit plaisant à voir en épée et en bouquet de plumes ; et comme il avoit affaire à un aussi habile homme que lui, il l’infatua, par ces sottises-là, que M. de Metz, étant prêtre et évêque, ne pouvoit être duc et pair ; comme si, pour l’être, il falloit porter une épée et un bouquet de plumes, et qu’il n’y eut pas des évêques pairs séant au parlement avec un habit qui leur est particulier. De là il alla à la fin du dîner de Mgr et de Mme la duchesse de Bourgogne, avec les mêmes propos, qui ne les persuadèrent pas si facilement. Mgr le duc de Bourgogne se moqua de lui et de ses fades et malignes plaisanteries, et voulut bien démontrer, ce qui fut court et aisé, que M. de Metz pouvoit et devoit