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comme chose non avenue. M. du Maine revint dès qu’il le put à la cour, et Mme de Vendôme retourna chez Mme la Princesse jusqu’à ce que la maison du grand prieur au Temple fût prête, qui étoit en grand désarroi, et le grand prieur hors du royaume. Quel eût été l’éclat de cette noce quelques années plus tôt, et quel contraste avec les retours si radieux de M. de Vendôme d’Italie ! On remarqua que M. de Vendôme, qui n’avoit point vu tous ces princes et princesses du sang qui se trouvèrent à son mariage, ne leur y fit pas le moindre compliment. Il fut là comme à la noce d’un autre, et depuis à Anet comme s’il avoit oublié qu’il étoit marié.

Le duc de Coislin ne survécut pas longtemps à son ami M. le Duc ; c’étoit le seul homme qui l’eût subjugué, qui ne lui passoit rien et qui lui lâchoit quelquefois des bordées effroyables, sans que M. le Duc osât souffler. C’étoit un homme de beaucoup d’esprit, extraordinaire au dernier point, et qui se divertissoit à le paroître encore plus qu’il ne l’étoit en effet, plaisant en sérieux et sans chercher à l’être, toujours salé, fort amusant, méchant aussi et dangereux, qui ne se refusoit rien, qui méprisoit la guerre qu’il avoit quittée il y avoit longtemps, et la cour où il n’alloit presque jamais, par conséquent mal avec le roi, dont il ne se mettoit guère en peine ; fort du grand monde, qu’il cherchoit moins qu’il n’en étoit recherché et de la meilleure compagnie. Il se piquoit de ne saluer jamais personne le premier et le disoit si plaisamment qu’on ne pouvoit qu’en rire. Quand le roi eut achevé Trianon comme il est aujourd’hui, tout le monde s’empressa de l’aller voir. Roquelaure demanda au duc de Coislin ce qu’il lui en sembloit : il lui dit qu’il ne lui en sembloit rien parce qu’il ne l’avoit pas vu. « Je sais bien pourquoi, lui répondit Roquelaure, c’est que Trianon ne t’est pas venu voir le premier. » Il faut encore que je dise ce trait du duc de Coislin. La fantaisie lui prit, au duc de Sully, son beau-frère, et à M. de Foix, d’aller au parlement, et ils me pressèrent tant d’y aller avec eux que je ne pus le refuser,