Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui, se voyant sans ressource en ce pays-ci, et confiné fort solitairement à Anet, brûloit d’envie d’obtenir la permission d’y aller, qu’il avoit négociée comme on l’a dit ailleurs avec la princesse des Ursins, et sur laquelle il faisoit insister. En attendant, se voyant délivré de M. le Prince et de M. le Duc, il espéra qu’il n’y auroit plus d’obstacle à son mariage avec Mlle d’Enghien, à qui M. et Mme du Maine l’avoient mis dans la tête, mais dont ils n’avoient pu venir à bout tant que M. le Prince et même M. le Duc avoient vécu. Elle avoit trente-trois ans, elle étoit extrêmement laide : sa vie s’étoit passée au fond de l’hôtel de Condé dans la plus cruelle gêne, ce qui lui avoit fait désirer, pour en sortir, quelque mariage que ce fût. La gêne avoit fini avec M. le Prince, mais l’ennui subsistoit avec Mme la Princesse, de chez qui elle ne pouvoit sortir qu’en se mariant. M. du Maine vouloit une princesse du sang pour M. de Vendôme, et décorer de plus en plus la bâtardise. M. de Vendôme, qui n’avoit jamais voulu se marier, fut touché de l’honneur de devenir gendre de M. le Prince, piqué de n’avoir pu en être accepté ni même de M. le Duc pour beau-frère par sa disgrâce. Toutes ces raisons le pressèrent de faire ce mariage après eux. Ce fut l’ouvrage de M. du Maine ; le roi y consentit, et le mariage fut déclaré le 26 avril.

S’il falloit de l’ambition pour se résoudre à épouser Mlle d’Enghien, il falloit un grand courage pour épouser M. de Vendôme, presque sans nez et manqué deux fois par les plus experts. Mais tout leur fut bon à l’un et à l’autre, à elle pour avoir du bien et de la liberté, à l’autre par la vanité de se montrer encore assez grand dans l’état de santé et de disgrâce où il étoit, pour épouser une princesse du sang qu’il acheta de tout son bien qu’il lui donna par leur contrat de mariage, s’il mouroit avant elle sans enfants, comme toutes les apparences y étoient, et comme cela arriva en effet. Mme la Princesse et Mme la Duchesse n’apprirent ce mariage que par M. du Maine, et comme arrêté et