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Toulouse n’a point de part à ce que M. du Maine a obtenu ; que M. le comte de Toulouse n’a point d’enfants et ne prétend rien pour ceux qu’il aura, qu’il est content de son rang, et qu’il n’en veut pas davantage. » Je quittai d’O dans une extrême surprise.

C’étoit un homme avec qui je n’avois pas la moindre habitude et que je ne voyois jamais nulle part ; je n’en avois pas davantage avec sa femme ni Mme de Saint-Simon non plus. C’étoit un pharisien dédaigneux, tout au plus à monosyllabes, et qui m’avoit paru saisir avec empressement l’occasion de s’expliquer à moi de ce que je ne lui demandois point, et de me dire une chose si étonnante. Je la fus rendre à l’instant au duc et à la duchesse de Villeroy, amis du mari et de la femme ; ce qui combloit ma surprise, c’est que, quelque attachement personnel et d’emploi qu’eût d’O pour M. le comte de Toulouse, il étoit encore plus l’homme de Mme de Maintenon et même de M. du Maine. Le duc et la duchesse de Villeroy m’expliquèrent l’énigme ; mais je ne crois pas qu’ils en eussent la véritable leçon ; je dirai après ma conjecture. Ils me contèrent que le duc ayant parlé de son dessein à son frère, il n’avoit pu le persuader ; que le comte de Toulouse avoit même fait ce qu’il avoit pu pour le lui faire quitter, soit par son éloignement présent du mariage et la petitesse de son rang personnel avec ses neveux, soit qu’il sentît que la chose étoit si forte qu’elle pourroit un jour entraîner leur rang à eux-mêmes. Ce qu’il y a de certain, c’est que cette affaire mit un froid marqué entre eux. Ce que j’en crus après, car en ce moment je ne le savois pas encore, c’est que la chose étoit revenue entre deux fers, par ce qui va être raconté, ce qui, joint à une déclaration si hors d’œuvre et si empressée d’un homme si peu empressé de parler, et à un autre qu’il ne connoissoit que de nom et de visage et qui ne lui faisoit ni question ni raisonnement, me fit croire que c’étoit politique, et que le comte de Toulouse vouloit laisser son frère seul dans la