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seul mot, et la foule courut chez lui avec le visage triste et une simple révérence, qui sentoit plus l’amende honorable que le compliment.

J’étois tout nouvellement raccommodé avec le roi, et dans l’audience que j’en avois eue, il m’avoit fort exhorté à me mesurer fort sur ce qui regardoit mon rang. Il étoit cruellement blessé par ce que le roi venoit de faire ; jamais je n’avois été chez les bâtards sur aucun de ceux dont le roi les avoit accrus. Je vis ducs, princes étrangers et tout indistinctement y aller ; je compris que me distinguer en n’y allant pas ne diminueroit ni leur rang ni leur joie, et me perdroit de nouveau, bien plus que je ne l’avois été. Je me résolus donc à ce calice, et j’allai comme les autres, et le plus que je pus parmi beaucoup d’autres, faire à M. et à Mme du Maine une sèche révérence, et tournai court aussitôt. Tant de gens y étoient à la fois qu’ils ne savoient à qui entendre, et tandis qu’ils en complimentoient et conduisoient les premiers sous leur main, les autres s’écouloient, parmi lesquels je m’échappai. La bassesse et la terreur firent aviser d’aller aussi chez le comte de Toulouse ; et les mêmes réflexions qui m’avoient mené chez M. et Mme du Maine me conduisirent chez lui. Je ne le trouvai point ; et comme je traversois en revenant la petite cour de Marbre, je rencontrai d’O, que je priai de dire à M. le comte de Toulouse que je venois de chez lui pour les compliments. « Sur quoi, monsieur, des compliments ? » me répondit d’O avec son froid et son importance. Je répliquai que ce qui venoit d’être fait pour M. du Maine le regardoit d’assez près pour y prendre part. « Comment, reprit d’O avec un air froncé, de ce qu’il passera désormais après les enfants de M. du Maine ? » Dans ma surprise je lui dis qu’il me sembloit qu’il y gagnoit assez pour les siens, pour passer volontiers après ses neveux. Alors d’O s’avançant à moi et me regardant fixement comme un homme pressé de faire une déclaration : « Monsieur, me dit-il, soyez persuadé que M. le comte de