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rien promettre. Je n’entreprendrai ici pas de commenter une si grande faute, ni le peu de force d’une parole qu’ils auroient donnée de la sorte. Je me contente d’écrire ce que je sus mot à mot du duc de Beauvilliers à qui Mgr le duc de Bourgogne conta tout ce qui s’étoit passé le lendemain, et que ce duc me rendit le jour même. On le sut aussi par Monseigneur qui le dit à ses intimes, en ne se cachant pas d’eux combien il étoit choqué de ce rang. Il n’avoit jamais aimé le duc du Maine, il avoit toujours été blessé de la différence du cœur du roi et de sa familiarité, et il avoit eu des temps de jeunesse où le duc du Maine, sans de vrais manquements de respect, avoit peu ménagé Monseigneur, tout au contraire du comte de Toulouse qui s’en étoit acquis l’amitié. Pour le pauvre Mgr le duc de Bourgogne, je ne fus pas longtemps sans savoir bien ce qu’il pensoit de cette nouvelle énormité, et l’un et l’autre ne furent point fâchés qu’on les devinât là-dessus, autre bien étrange faute. Après celle de ce dernier bredouillement informe de ces deux princes, le roi, à bout d’en espérer davantage, sans montrer toutefois aucun mécontentement, retourna vers son fauteuil, et le cabinet reprit aussitôt sa forme accoutumée. Dès que le roi fut assis, il remarqua promptement le sombre qui y régnoit. Il se hâta de dire encore un mot sur ce rang et d’ajouter qu’il seroit bien aise que chacun lui en marquât sa satisfaction en la témoignant au duc du Maine, lequel incontinent accueilli de chacun, fut assez sérieusement félicite jusque par le comte de Toulouse son frère, que le même honneur regardoit à son tour, mais à qui il fut aussi nouveau qu’à tous les autres. La différence d’âge et d’esprit, qui donnoit au duc du Maine une grande supériorité sur le comte de Toulouse, n’avoit pas contribué à une union intérieure bien grande ; ils se voyoient rarement chez eux, les bienséances étoient gardées, mais l’amitié étoit froide, la confiance nulle, et M. du Maine avoit toujours fait sa grandeur, et conséquemment la sienne,