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n’est si précis que la répugnance qu’il eut au mariage de M. du Maine, par la raison qu’il en allégua, et que ce qu’il dit au maréchal de Tessé allant en Italie, où il devoit trouver M. de Vendôme à la tête d’une armée. Toutes ces choses se trouvent remarquées ici en leur temps, et de quelle façon, et combien après il s’écarta dans tous ces faits, comme malgré soi, à des grandeurs nouvelles en leur faveur, et en celle de M. de Vendôme à cause d’eux. Ce fut en cette occasion la même chose : même résistance, même vue de l’énormité qui lui étoit proposée, et pour fin même entraînement, comme malgré lui, et toujours presque sans forme. Le combat ne fut pas long, puisqu’il ne fut commencé qu’après le 4 mars, jour de la mort de M. le Duc et de la décision du rang des princesses du sang entre elles, et qu’il finit le 16 du même mois par la victoire de M. du Maine.

Quand elle fut résolue entre le roi, Mme de Maintenon et lui, il fut question de la déclarer ; et cette déclaration produisit la scène la plus nouvelle et la plus singulière de tout ce long règne, pour qui a connu le roi, et quelle étoit l’ivresse de sa toute-puissance. Entrant le samedi au soir, 15 mars, dans son cabinet, après souper, à Versailles, et l’ordre donné à l’ordinaire, il s’avança gravement dans le second cabinet, se rangea vers son fauteuil sans s’asseoir, passa lentement les yeux sur toute la compagnie, à qui il dit, sans adresser la parole à personne, qu’il donnoit aux enfants de M. du Maine le même rang et les mêmes honneurs dont M. du Maine jouissoit ; et sans un moment d’intervalle, marcha vers le bout du cabinet le plus éloigné, et appela Monseigneur et Mgr le duc de Bourgogne. Là, pour la première fois de sa vie, ce monarque si fier, ce père si sévère et si maître s’humilia devant son fils et son petit-fils. Il leur dit que, devant tous deux régner successivement après lui, il les prioit d’agréer le rang qu’il donnoit aux enfants du duc du Maine, de donner cela à la tendresse qu’il