Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/14

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où nous prétendions le porter si haut, par une démarche qu’il comprenoit assez qui pourroit plaire au roi jusqu’à un certain point, mais qui n’ayant rien de commun avec les choses qui l’avoient jeté dans une disgrâce sensible, puisque depuis cet engagement et avant ces autres choses, il s’étoit longtemps soutenu à merveille avec lui, et une démarche encore qui ne faisoit rien à personne ? comment donc nous prétendions le tirer par là de tout ce dont on l’avoit accablé, et du côté de la cour et par rapport au monde ? Comme j’en avois ouvert le premier propos, et que M. le duc d’Orléans sembloit m’adresser sa question plus particulièrement qu’au maréchal, je crus que c’étoit à moi à répondre, et à mettre cet argument dans tout son jour, de la force duquel je sentis bien par la question même que je pourrois tirer un grand secours. Je pris donc la parole, et je dis qu’en quittant une vie qui scandalisoit depuis si longtemps ceux même qui, peu attentifs à leur conscience, ne l’étoient qu’à l’honneur du monde, il se déchargeroit du blâme qu’il avoit encouru en la menant, et de tout celui encore qui lui avoit été imputé pendant sa durée ; qu’une violente passion ne réfléchit à rien et se laisse entraîner à tout ce qui en est la suite ; que ses curiosités sur l’avenir, qu’il avoit cru avoir peu frappé, et être depuis longtemps effacées, s’étoient renouvelées et grossies depuis quelque temps à tel point, qu’elles étoient regardées comme un crime du premier ordre, comme une impiété détestable, et par les yeux les plus favorables, comme une faiblesse qui faisoit un tort extrême à tout ce qu’on avoit pensé de lui de grand et de solide ; qu’il étoit considéré comme un homme tourmenté d’une soif ardente de régner, née à la vérité de son ambition, mais inspirée par les choses qui lui avoient été montrées dans les exercices de ces curiosités, reçues avec terreur des uns, avec dédain des autres, mais de tous, comme ce qui lui avoit fait monter dans l’esprit ces superbes pensées qui ne pouvoient s’accorder avec l’homme sage, moins encore avec le bon sujet ; que