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autre endroit où il appela M. [le duc] et Mme la duchesse du Maine, à qui il dit aussi ce qui les regardoit, et qui en parurent fort mortifiés. Ensuite le roi s’alla asseoir à l’ordinaire, et le temps du cabinet jusqu’au coucher s’acheva fort sérieusement.

Le lendemain, mercredi des Cendres, le roi déclara son jugement le matin au conseil, qui y fut fort applaudi, et ensuite du public. Il ajouta qu’il l’avoit tout écrit de sa main, mais qu’il y vouloit retoucher quelque chose. Il le dressa de manière que les enfants en directe, quoique non enfants des rois, furent déclarés fils et filles de France, ce qui, par exemple, regardoit M. le duc de Berry ; et il confirma tacitement le nouvel état et rang de petits-fils et petites-filles de France. Tout demeura encore comme secret jusqu’au 12 du même mois de mars, que le roi donna son jugement écrit de sa main, en onze articles, à Pontchartrain, comme ayant la maison du roi dans son département de secrétaire d’État, qui l’expédia et le signa seul. Le roi n’y voulut point d’autres formes ni même sa signature, pour que sa décision, ainsi toute nue, sans sceau, sans signature des autres secrétaires d’État, sans vérilication au parlement, tînt plus de sa toute-puissance ; c’est au moins toute la raison qu’on en put imaginer. En même temps Pontchartrain eut ordre d’expédier pour la duchesse du Maine le brevet de conservation de rang et honneurs de princesse du sang fille, qu’elle n’avoit eu garde de demander, et dont elle se seroit si volontiers passée.

Il ne laissa pas d’être remarquable que le jour de la mort de M. le Duc eût par cela même fait éclore ce que tout son crédit et celui de M. le Prince, toute leur ardeur et leur empressement, et toutes les adresses de Mme la Duchesse n’avoient pu obtenir de son vivant. Elle oublia un peu son état si récent de veuve, dans la sensibilité très-marquée de ce qu’elle venoit de gagner, en quoi Mme la princesse de Conti, sa sœur, parut beaucoup plus modérée. Mme la Duchesse