Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/132

Cette page n’a pas encore été corrigée

de ses raisons, lui avoit dit qu’il prît garde et qu’il pourroit bien le condamner, à quoi il n’avoit répondu que par une continuation d’instances pour être jugé. Ce fut la matière de la délibération. Mon avis fut qu’il n’y avoit rien de pis pour eux que de n’être point jugés, parce que la provision étoit contre eux fondée sur l’usage de tout temps ; qu’ainsi, sans être jugés, ils demeuroient condamnés, puisque Mademoiselle ne pouvoit se trouver nulle part avec les femmes des princes du sang, parce qu’elle ne pouvoit les précéder, et que par la même raison elle ne signoit aucun contrat de mariage. J’ajoutai que, quelque jugement qui intervînt, ils se retrouveroient toujours sur leurs pieds, parce qu’en perdant même leur prétention pour leurs filles, ce même jugement décideroit la préséance de Mme la duchesse d’Orléans sur les filles qu’auroit M. le duc de Berry ; je crus aussi, en quoi je me trompai lourdement, que, quoique le roi eût dit à M. le duc d’Orléans qu’il pourroit bien le condamner, il ne le feroit pas, parce que, s’il avoit eu à le faire, il n’auroit pas résisté à toutes les instances que M. le Prince et M. le Duc lui avoient faites de juger, dans le temps que M. le duc d’Orléans étoit le plus mal avec lui, et ce fut aussi l’avis de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans ; nous convînmes donc, selon que je leur proposai, que M. le duc d’Orléans en irait dire seulement un mot à Mme de Maintenon, pour se la concilier, et ne la pas fatiguer, et un autre encore au roi avant qu’il se mît à table. Aussitôt après dîner je retournai chez eux savoir où ils en étoient.

Mme la duchesse d’Orléans s’étoit mise au lit pour recevoir les compliments sur la mort de M. le Duc, et M. le duc d’Orléans et moi, seuls dans sa ruelle, discutâmes avec elle ce qu’il restoit à faire. Il me dit qu’il n’avoit pu voir Mme de Maintenon qui ne dînoit pas chez elle, et que le roi ne lui avoit pas paru éloigné de juger. Nous conclûmes qu’il falloit concilier et rafraîchir la mémoire à Mme de Maintenon par une lettre. Nous la fîmes tous trois, moi tenant la plume, et