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à la messe du roi, que je lui conterois tout, et que nous prendrions nos mesures ensemble pour achever une œuvre si nécessaire. Comme j’achevois d’écrire, le duc de Tresmes et le maréchal de Tessé entrèrent dans le cabinet ensemble, devant qui le chancelier sonna pour faire fermer le billet. J’y mis le dessus et je l’allai porter à un de mes gens pour partir sur-le-champ. Ces messieurs qui venoient d’entrer virent bien que j’avois affaire, ne doutèrent pas que ce ne fût au chancelier, et sortirent un moment après que je fus rentré. Ils me laissèrent seul avec lui, et, par là, dans la nécessité de la confidence. Sa surprise fut grande, il loua fort ma pensée, mon courage, mon dessein ; blâma les craintes quoiqu’à son avis même fondées, de ma mère et de ma femme, par l’excellence de l’œuvre et l’importance dont elle étoit à la situation de M. le duc d’Orléans, telle enfin que nulle considération ne devoit arrêter, sans qu’il se flattât trop du succès, nonobstant celui de cette première journée. J’allai de là souper chez la duchesse de Villeroy, qui, en sortant de table, dans une autre pièce, tandis que son mari et son beau-frère n’étoient pas encore rentrés où nous étions, me dit encore un mot de son aversion du lieu où elle m’avoit convié. Je me mis à rire, et à répondre que cette disposition ne lui dureroit peut-être pas encore longtemps ; que ce qui l’en éloignoit ne me déplaisoit pas moins, et que peut-être n’étois-je pas inutilement où elle m’avoit vu. « Bon, reprit-elle avec impétuosité, voilà de belles espérances, pouvez-vous me dire cela ? » Là-dessus les deux ducs entrèrent, et nous nous mîmes à causer de toutes autres choses.

Le lendemain jeudi 2, comme je m’habillois, je reçus la réponse du maréchal de Besons. La vue d’une lettre me déplut, dans la pensée que c’étoit une excuse ; en l’ouvrant je fus plus content. Il me mandoit que j’étois le meilleur ami qui fût au monde, et qu’il se trouveroit au rendez-vous. Je m’en allai à la messe du roi, et je rencontrai Besons dans la