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Strasbourg un général d’armée auquel il falloit obéir dans son commandement s’il étoit son ancien, et s’il ne l’étoit pas, se concerter avec lui de manière fort équivalente à la subordination, étoit pour lui une amertume. Depuis 1690, il n’avoit quitté les bords du Rhin ni été ni hiver, que depuis qu’il fut maréchal de France, et encore y demeura-t-il les premières années. Il petilloit de s’approcher de la cour dans le désir de pousser sa fortune. Il vouloit entrer dans le conseil, au moins être consulté et de quelque chose. Son grand but étoit de parvenir à être duc, et celui du premier écuyer d’être appelé dans ses lettres. Pour cela il falloit être à la cour et à demeure ; mais quitter plus de cent mille livres de rente en abandonnant l’Alsace : c’étoit acheter bien cher des espérances peu fondées. Il tâta le pavé par quelques voyages à Paris ; il les allongea, et fit si bien qu’il lui fut permis de s’y fixer sans se dépouiller du commandement d’Alsace, qu’on fît exercer par du Bourg, tellement que cette province eut un gouverneur et deux commandants payés.

Huxelles établi à Paris tint une excellente table pour avoir compagnie, sortit peu pour se faire rechercher, se lia au président de Mesmes par le premier écuyer son ami intime, et par ce président à M. du Maine, dont il étoit le commensal. Il fut vanté a Mlle Choin par Mme de Beringhen, la cultiva jusqu’à envoyer tous les jours de sa vie des têtes de lapins et d’autres mangeailles à sa chienne (et il faut noter qu’il logeoit dans la rue Neuve-Saint-Augustin, vis-à-vis le duc de Tresmes, et Mlle Choin attenant le petit-Saint-Antoine). Il fit sa cour à Vaudemont et à ses nièces, et s’initia ainsi à Monseigneur, sans toutefois le voir souvent en particulier, et très-rarement publiquement, qui le crut la meilleure tête de France et un homme qui ne vouloit rien que son repos. D’autre côté il courtisa Harcourt, qui le produisit à Mme de Caylus pour atteindre à Mme de Maintenon. Harcourt ne le craignoit point pour émule, il le connoissoit trop bien, mais il en vouloit faire un écho et un épouvantail à