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que pour l’y accoutumer. Je lui représentai que ces sortes d’engagements ne pouvoient être aussi longs que la vie ; qu’il étoit arrivé en un âge où cela devenoit très-messéant ; que le nombre d’années et l’éclat avec lequel celui-ci se soutenoit, ne lui permettoit plus de le pousser plus loin ; que la situation où il se trouvoit fixoit le moment de le finir ; qu’il pouvoit se souvenir qu’il ne m’étoit guère arrivé de lui donner là-dessus d’atteintes, et que les deux ou trois seules fois que je m’y étois échappé ç’avoit été bien délicatement ; que je n’aurois jamais pensé à lui proposer positivement une rupture sans le besoin pressant que j’y voyois, qui avoit enfin surmonté toutes mes craintes et mes répugnances, qui étoient telles qu’il devoit regarder la violence que je me faisois comme le plus grand effort par lequel je lui pusse marquer mon attachement. Il écouta tout sans m’interrompre que par de profonds soupirs, et quand j’eus cessé de parler, il me dit qu’il comprenoit bien qu’on ne prenoit pas plaisir à faire des propositions pareilles ; qu’il sentoit bien ce qui m’y avoit déterminé, et l’obligation qu’il m’en devoit avoir. Alors content d’en être venu là dès la première fois, je ne voulus pas trop presser les choses de peur de nuire à mon dessein, en rebutant peut-être. Je laissai languir la conversation pour donner lieu aux réflexions intérieures, et pressé par l’heure, je pris congé ; il voulut me retenir ; mais, comme j’avois mon dessein, je lui dis que j’avois un peu affaire n’ayant fait presque que passer par Versailles en revenant par la Ferté ; que aussi bien il étoit tantôt l’heure qu’il allât voir Monseigneur chez Mme la princesse de Conti, où, malgré l’attachement pour Mme la Duchesse, Monseigneur alloit tous les soirs par un reste d’habitude et de considération.

Faute de mieux, l’asile offert chez le chancelier n’étant pas encore prêt, j’allai dans son cabinet où, le trouvant seul, je lui demandai permission d’écrire un mot pressé sur son bureau. J’y mandai en deux mots à Besons que l’affaire venoit d’être entamée, que je le priois de se trouver le lendemain