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étoit environné du plus exquis. Il y tenoit des conversations charmantes sur tout ce qui se présentoit indifféremment ; jeunes et vieux y trouvoient leur instruction et leur plaisir, par l’agrément avec lequel il s’énonçoit sur toutes matières, par la netteté de sa mémoire, par son abondance sans être parleur. Ce n’est point une figure, c’est une vérité cent fois éprouvée, qu’on y oublioit l’heure des repas. Le roi le savoit, il en étoit piqué, quelquefois même il n’étoit pas fâché qu’on pût s’en apercevoir. Avec tout cela on ne pouvoit s’en déprendre ; la servitude si régnante jusque sur les moindres choses y échoua toujours.

Jamais homme n’eut tant d’art caché sous une simplicité si naïve, sans quoi que ce soit d’affecté en rien. Tout en lui couloit de source ; jamais rien de tiré, de recherché ; rien ne lui coûtoit. On n’ignoroit pas qu’il n’aimoit rien ni ses autres défauts. On les lui passoit tous, et on l’aimoit véritablement, quelquefois jusqu’à se le reprocher, toujours sans s’en corriger.

Monseigneur, auprès duquel il avoit été élevé, conservoit pour lui autant de distinction qu’il en étoit capable, mais il n’en avoit pas moins pour M. de Vendôme, et l’intérieur de sa cour étoit partagé entre eux. Le roi porta toujours en tout M. de Vendôme. La rivalité étoit donc grande entre eux. On a vu quelques éclats de l’insolence du grand prieur. Son acné, plus sage, travailloit mieux en dessous. Son élévation rapide, à l’aide de sa bâtardise et de M. du Maine, surtout la préférence au commandement des armées, mit le comble entre eux, sans toutefois rompre les bienséances.

Mgr le duc de Bourgogne, élevé de mains favorables au prince de Conti, étoit au dehors fort, mesuré avec lui ; mais la liaison intérieure d’estime et d’amitié étoit intime et solidement établie. Ils avoient l’un et l’autre mêmes amis, mêmes jaloux, mêmes ennemis, et sans un extérieur très uni l’union étoit parfaite.

M. le duc d’Orléans et M. le prince de Conti n’avoient