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ne laissoit pas de le consulter sur ses bâtiments. Il lui demanda s’il avoit été à Trianon. Le Nôtre répondit que non. Le roi lui ordonna d’y aller. Le lendemain il le vit encore ; même question, même réponse. Le roi comprit à quoi il tenoit, tellement qu’un peu fâché, il lui commanda de s’y trouver l’après-dînée même, à l’heure qu’il y seroit avec Louvois. Pour cette fois Le Nôtre n’osa y manquer. Le roi arrivé et Louvois présent, il fut question de la fenêtre que Louvois opiniâtra toujours de largeur égale aux autres. Le roi voulut que Le Nôtre l’allât mesurer, parce qu’il étoit droit et vrai, et qu’il diroit librement ce qu’il auroit trouvé. Louvois piqué s’emporta. Le roi, qui ne le fut pas moins le laissoit dire, et cependant Le Nôtre, qui auroit bien voulu n’être pas là, ne bougeoit. Enfin le roi le fit aller, et cependant Louvois toujours à gronder, et à maintenir l’égalité de la fenêtre, avec audace et peu de mesure. Le Nôtre trouva et dit que le roi avoit raison de quelques pouces. Louvois voulut imposer, mais le roi à la fin trop impatienté le fit taire, lui commanda de faire défaire la fenêtre à l’heure même, et, contre sa modération ordinaire, le malmena fort durement.

Ce qui outra le plus Louvois, c’est que la scène se passa non seulement devant les gens des bâtiments, mais en présence de tout ce qui suivoit le roi en ses promenades, seigneurs, courtisans, officiers des gardes et autres, et même de tous les valets, parce qu’on ne faisoit presque que sortir le bâtiment de terre, qu’on étoit de plain-pied à la cour, à quelques marches près, que tout étoit ouvert, et que tout suivoit partout. La vesperie fut forte et dura assez longtemps, avec les réflexions des conséquences de la faute de cette fenêtre, qui, remarquée plus tard, auroit gâté toute cette façade et auroit engagé à l’abattre.

Louvois, qui n’avoit pas, accoutumé d’être traité de la sorte, revint, chez lui en furie et comme un homme au désespoir. Saint-Pouange, les Tilladet et ce peu de familiers