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plusieurs tentatives inutiles. La décadence de son corps et de son esprit, qu’il sentit bientôt après, l’engagea à redoubler ses instances. Les jésuites, qui s’en apercevoient plus que lui, et qui sentoient la diminution de son crédit, l’exhortèrent à faire place à un autre qui eût la grâce et le zèle de la nouveauté. Il désiroit sincèrement le repos, et il pressa le roi de le lui accorder tout aussi inutilement. Il fallut continuer à porter le faix jusqu’au bout. Les infirmités et la décrépitude qui l’accueillirent [1] bientôt après ne purent le délivrer. Les jambes ouvertes, la mémoire éteinte, le jugement affaissé, les connoissances brouillées, inconvénients étranges pour un confesseur, rien ne rebuta le roi, et jusqu’à la fin il se fit apporter le cadavre et dépêcha avec lui les affaires accoutumées. Enfin, deux jours après un retour de Versailles, il s’affaiblit considérablement, reçut les sacrements, et eut pourtant le courage, plus encore que la force, d’écrire au roi une longue lettre de sa main, à laquelle il reçut réponse du roi de la sienne tendre et prompte ; après quoi il ne s’appliqua plus qu’à Dieu.

Le P. Tellier, provincial, et le P. Daniel, supérieur de la maison professe, lui demandèrent s’il avoit accompli ce que sa conscience pouvoit lui demander et s’il avoit pensé au bien et à l’honneur de la compagnie. Sur le premier point, il répondit qu’il étoit en repos ; sur le second, qu’ils s’apercevroient bientôt par les effets qu’il n’avoit rien à se reprocher. Fort peu après, il mourut fort paisiblement à cinq heures du matin.

Les deux supérieurs vinrent apporter au roi, à l’issue de son lever, les clefs du cabinet du P. de La Chaise, qui y avoit beaucoup de mémoires et de papiers. Le roi les reçut devant tout le monde, en prince accoutumé aux pertes, loua le P. de La Chaise surtout de sa bonté, puis souriant aux

  1. Le manuscrit de Saint-Simon porte le mot accueillirent qui ne paraît pas très exact et que lès précédents éditeurs ont remplacé par le mot assaillirent.