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« Comme M. de Blécourt n’a pas connu sans doute les deux secrétaires du Despacho [1], qui n’étoient pas en place de son temps, il est bon de les peindre ici en peu de mots.

« Le marquis de Mejorada est homme d’esprit, de mérite et attaché au roi son maître, mais il est entêté des anciens usages ; il est opiniâtre, abonde dans son sers, et n’approuve presque jamais rien lorsqu’il ne l’a point pensé. Le roi et la reine d’Espagne le connoissent tel qu’il est et ils ne laissent pas d’en faire cas, parce qu’il a effectivement de très bonnes choses. Son département se réduit aux affaires politiques et ecclésiastiques, et à celles de justice ; ce qui ne lui donne pas infiniment de travail dans un temps comme celui-ci.

« Don Joseph Grimaldo a du bon sens et de l’activité pour le travail. Il est modeste et désintéressé. Il a été mis en place de mon temps et il est plus au fait que personne de la nouvelle forme que l’on donné aux affaires de guerre et de finance, qui avec le commerce forment son département. La multiplicité des affaires dont il est chargé lui donne des occasions plus fréquentes d’approcher du roi. Sa Majesté Catholique s’est fort accoutumée à lui et fait passer par son canal presque toutes les affaires secrètes et extraordinaires, qui seroient naturellement du département de son collègue. Don Joseph de Grimaldo est fort aimé et u des manières polies ; il n’a jamais abusé de tout ce qu’on lui a confié ni de l’estime qu’on lui a témoignée. C’est un homme à conserver. Il sait qu’il m’a obligation de son avancement, et j’ai lieu de croire qu’il ne changera pas de style et qu’il ne s’éloignera pas des lions sentiments où je l’ai toujours vu pour maintenir une étroite union entre les deux couronnes.

« J’ai informé en particulier M. de Blécourt des gens qui ont eu le malheur de déplaire à Sa Majesté Catholique, et avec qui par conséquent il ne convient pas d’avoir des liaisons. Il seroit inutile de le répéter ici.

« Il y a, au reste, trois idées dont il me semble qu’il est bon d’être prévenu, pour s’en expliquer dans les occasions qui se présenteront de s’entretenir avec les grands et les ministres d’Espagne. La première regarde l’intérêt que les principaux seigneurs peuvent avoir à faire en sorte que la monarchie sait réunie en son entier en la personne de l’archiduc, supposant qu’elle ne pourroit se conserver entre les mains de Philippe V qu’avec des démembrements très considérables. Outre que la vanité de la nation seroit flattée par cette réunion prétendue, les grands y croiroient trouver en particulier leur avantage, par les vice-royautés et les grands gouvernements de Naples, de Sicile, de Flandre et de Milan, auxquels ils auroient espérance de

  1. Secrétaires d’État.