Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/458

Cette page n’a pas encore été corrigée

des vues et des intrigues des seigneurs et des ministres espagnols, et de leur en faire voir les inconvénients.

« Si Mme la princesse des Ursins demeure à Madrid, il n’y aura rien de mieux que d’agir de concert avec elle ; de commencer par lui donner part de tout, et de profiter de ses conseils et de l’extrême confiance que Leurs Majestés Catholiques ont justement en elle. Si M. de Blécourt ne connoît pas à fond Mme des Ursins, il s’apercevra bientôt que rien n’est plus éloigné de la vérité que les idées qu’on a voulu donner du génie et de la conduite de cette dame. Il trouvera qu’on ne peut penser plus noblement qu’elle fait, agir avec plus de désintéressement, ni se conduire en tout avec plus de zèle pour le service du roi et plus d’attachement pour Leurs Majestés Catholiques qu’elle a toujours fait.

« Si Mme la princesse des Ursins se retire, M. de Blécourt sera certainement privé d’un grand secours et d’une grande consolation. Il faudra en ce cas, comme je l’ai marqué ci-dessus, non seulement qu’il s’explique avec franchise au roi et à la reine d’Espagne, mais qu’il les supplie de lui prescrire les règles de sa conduite, pour la leur rendre agréable ; qu’il leur demande quelles sont les personnes de leur cour avec qui il doit former ses liaisons, et qui sont celles qu’il doit éviter ; les consulter sur la manière dont il devra parler sur des matières de l’importance de celles qui peuvent se présenter tous les jours dans des temps aussi difficiles que ceux-ci, et leur dire que c’est l’ordre qu’il a reçu du roi. Rien, à mon sens, n’est plus propre à plaire à Leurs Majestés Catholiques, à gagner leur confiance, et à les entretenir dans les sentiments qu’ils doivent au roi leur grand-père. Je n’ai pas besoin de dire en cet endroit, à un homme comme M. de Blécourt, que tout ceci ne s’entend qu’autant qu’il n’y aura rien de contraire aux intentions du roi notre maître.

« J’ai dit en particulier mon sentiment à M. de Blécourt sur la plupart des ministres et des seigneurs de cette cour ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer ici que le duc de Veragua est un de ceux qui est le plus dévoué au roi d’Espagne, sur qui l’on peut le plus compter et avec qui on peut plus sûrement avoir des liaisons [1]. Le marquis de La Jamaïque son fils [2] a beaucoup d’esprit et est du même génie que son père. Ils sont haïs des autres grands, parce qu’ils ont constamment été attachés au gouvernement.

« Le duc de Popoli est homme de bon sens, de bon esprit, d’un zèle à toute épreuve, et Leurs Majestés Catholiques ont pour lui plus d’estime et de confiance que pour aucun autre homme de son rang. M. de Blécourt ne sauroit mieux faire que de rechercher son amitié.

  1. Voy. Mémoires de Saint-Simon, t. III. p. 5.
  2. Ibidem. t. VI, p. 305.