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cas que Votre Majesté retire ses troupes, il y a beaucoup de raison encore de mettre le ministère dès à présent sur un autre pied, ainsi que Votre Majesté le jugera aisément, sans que je m’étende davantage pour le prouver. Lorsque Votre Majesté jugera à propos de m’instruire du progrès des négociations de M. Rouillé, je serai plus en état de représenter à Votre Majesté ce que j’estimerai du bien de son service en ce pays-ci, et d’agir en conformité.

« Sur l’article de mon congé, j’espère, Sire, que Votre Majesté ne désapprouvera pas ce que j’ai eu l’honneur de lui proposer, et qu’elle connoîtra que le système présent des affaires d’Espagne le demande ainsi beaucoup plus que mes convenances particulières, tant par rapport à ma santé que pour le reste. »


§ II. extrait d'une lettre d'Amelot, ambassadeur de France en Espagne, au roi louis xiv.


« Madrid, 27 mai 1709.

« Les choses, Sire, sont ici au même état que j’ai eu l’honneur de l’expliquer à Votre Majesté par mes dernières lettres. Le roi d’Espagne paroît plus résolu que jamais à ne point abandonner sa couronne, et à se défendre avec ses seules forces jusqu’à l’extrémité, si Votre Majesté retire ses troupes. Il songe en ce cas à M. l’électeur de Bavière pour commander son armée sur la frontière de Catalogne, et il écrit à Votre Majesté pour la prier de permettre qu’il prenne à son service les quatre bataillons irlandois de Votre Majesté qui servent en ce pays-ci ; savoir : les deux de Berwick, un de Dillon et un de Bourck, et le bataillon allemand de Reding, dont le colonel est Suisse. Comme je ne sais point sur quel pied la paix se traite, ni quelles seront les intentions de Votre Majesté sur le dessein du roi son petit-fils de se maintenir en Espagne tant qu’il pourra, je ne puis ni ne dois lui déconseiller des choses qui vont à son but ; et quand je le ferois, ce seroit fort inutilement. Il me paroît donc absolument nécessaire que Votre Majesté ait agréable de m’instruire au plus tôt, et plus particulièrement de la conduite que je dois tenir, afin que je m’y conforme sans abuser de la confiance que le roi d’Espagne a encore en moi, ce que je sais bien que Votre Majesté ne m’ordonnera jamais.

« Plus je réfléchis sur l’état des choses, Sire, plus je suis persuadé qu’il est du service de Votre Majesté de m’accorder le congé que je lui ai demandé, sans attendre que Votre Majesté déclare au roi son