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moi, et nous nous séparâmes de la sorte après être convenus de nos faits.

Le pénultième jour de cette année, soupant seul avec Mme de Saint-Simon, je reçus par un exprès un billet de Maréchal, qui me mandoit qu’il s’étoit acquitté de mes ordres, qu’il n’avoit pas été mal reçu, et que je parlerois quand je voudrois ; néanmoins qu’il étoit à propos que je le visse avant personne. Ce billet nous donna une joie sensible à Mme de Saint-Simon et à moi. Nous jugeâmes que c’étoit un grand pas fait que la sûreté d’une audience ; que la question seroit de voir si elle ne seroit ni forlongée ni étranglée ; le succès qu’on s’en pourroit promettre, que je verrois bien dans l’audience même.

Nous résolûmes d’aller le lendemain à Versailles, pour marquer au roi de l’impatience, et y demeurer sans le presser, en attendant qu’il voulût m’écouter. Je voulus que Mme de Saint-Simon vînt avec moi, pour avoir son conseil dans une conjoncture d’où dépendoit entièrement le genre de vie que nous devions embrasser désormais, chose si critique pour nous et pour notre famille.

Arrivant à Versailles le dernier jour de l’an, j’allai chez Maréchal, qui me dit qu’ayant trouvé la veille le roi plus seul et de meilleure humeur qu’à l’ordinaire, il avoit tourné pour lui parler, afin de faire retirer d’auprès de son lit le peu de petits domestiques qui sont de cette entrée, qui précède celle du grand chambellan et des premiers gentilshommes de la chambre ; que resté seul auprès du roi, il l’avoit voulu sonder, en lui parlant d’abord d’une petite affaire qui le regardoit ; que le roi lui ayant favorablement répondu, il lui avoit dit que ce n’étoit pas tout, et qu’il en avoit une autre à lui dire qui lui tenoit bien autrement au cœur ; que le roi lui avoit demandé d’un air fort ouvert ce que c’étoit, et qu’il lui avoit dit qu’il m’avoit vu profondément peiné de me croire mai avec lui ; sur quoi il avoit pris occasion de me louer, et de lui vanter mon attachement pour