Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/440

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’étoit une femme qui, à travers les galanteries, s’étoit mise en considération personnelle par les grâces et l’application avec lesquelles elle tâchoit d’émousser la jalousie de la fortune de son mari. Elle n’avoit rien oublié, ni lui aussi, pour se mettre bien avec Mme de Saint-Simon et avec moi dans le temps le plus radieux de leur vie, et où nous ne pouvions leur être de nul usage. Ils avoient passé légèrement sur ma douleur peu contrainte de leur énorme duché, dont jamais je ne leur avois fait le moindre compliment. Sur la pairie, je m’étois aussi bien gardé de leur en faire faire, encore moins de leur en écrire. L’accueil, au bout de quatre mois d’absence, fut comme si nous ne nous étions pas quittés. Elle me pria à dîner avec Mme de Saint-Simon pour le lendemain, et m’en pressa de manière à ne m’en pouvoir défendre. Ils étoient lors en l’apogée de la plus brillante faveur. Elle savoit que le roi devoit aller voir son mari le lendemain, mais elle n’eut garde de me le dire. Elle me l’avoua depuis, et son intention fut de nous donner occasion de lui faire notre cour.

Je fus voir le lendemain matin la duchesse de Villeroy. Elle [et] son mari me demandèrent où je dînois, et m’avertirent de la visite du roi, de peur que, dans la surprise, il m’échappât quelque chose. Le duc de Villeroy m’avoit écrit la pairie de Villars à la Ferté, sans me mander autre chose dans la même lettre. Ma réponse fut laconique : je lui mandai que je le remerciois de sa nouvelle, que je le priois de s’aller, en propres termes, et de me croire, etc. Ils en rirent beaucoup ; mais cette disposition qu’ils me connoissoient les engagea à me donner l’avis.

Nous dînâmes en compagnie assez courte, et que nous reconnûmes aisément avoir été choisie pour nous. Vers le fruit, on vint poster les gardes, et le roi vint au sortir du sermon. La compagnie s’étoit grossie depuis le dîner. Le roi la salua, puis vint au lit de repos sur lequel étoit le maréchal de Villars, l’embrassa par deux fois avec des propos obligeants,