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souverains catholiques, de presque tout le public par l’instruction de la jeunesse, par leurs talents et leur art ; nécessaires à Rome pour en insinuer les prétentions sur le temporel des souverains, et la monarchie sur le spirituel, à l’anéantissement de l’épiscopat et des conciles généraux, devenus redoutables par leur puissance et par leurs richesses toutes employées à leurs desseins, autorisés par leur savoir de tout genre, et par une insinuation de, toute espèce, aimables par une facilité et un tour qui ne s’étoit point encore rencontré dans le tribunal de la pénitence, et protégés par Rome, comme des gens dévoués par un quatrième vœu au pape, particulier à leur société, et plus propres que nuls autres à étendre son suprême domaine, recommandables d’ailleurs par la dureté d’une vie toute consacrée à l’étude, à la défense de l’Église contre les hérétiques, et la sainteté de leur établissement et de leurs premiers pères ; terribles enfin par la politique la plus raffinée, la plus profonde, la plus supérieure à toute autre considération que leur domination, soutenue par un gouvernement dont la monarchie, l’autorité, les degrés, les ressorts, le secret, l’uniformité dans les vues, et la multiplicité dans les moyens sont l’âme ; les jésuites, dis-je, après divers essois, et surtout après avoir subjugué les écoles de delà les monts, et tant qu’ils avoient pu, énervé celles de deçà partout, hasardèrent, par un livre de leur P. Molina, une doctrine sur la grâce tout à fait opposée au système de saint Augustin, de saint Thomas, de tous les Pères, des conciles généraux, des papes et de l’Église de Rome, qui, prête plusieurs fois à l’anathématiser, a toujours différé à le faire. L’Église de France surtout se souleva contre ces agréables nouveautés qui faisoient tant de conquêtes par la facilité du salut et l’orgueil de l’esprit humain.

Les jésuites, embarrassés d’une défensive difficile, trouvèrent moyen de semer la discorde dans les écoles de France, et par mille tours de souplesse, de politique et de force ouverte,