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sous lui, ou de se voir évêque en plein à son âge, et le pria instamment et avec larmes de le décharger de ce fardeau ; l’oncle l’écouta, ne répondit point, et demeura longtemps recueilli ; il le rappela ensuite, et lui dit qu’après y avoir bien pensé devant Dieu, il persistoit à croire qu’il feroit bien et que c’étoit sa volonté qu’il fût évêque de Chartres.

Il mourut fort peu de temps après dans Chartres, fort saintement, laissant un regret universel dans son diocèse. Le coadjuteur pressa Mme de Maintenon, et par lettres, et dès qu’il put la voir, de faire nommer un autre évêque. Sa jeunesse et ses instances ne purent la persuader. Il fallut malgré lui demeurer évêque, et il fut sacré dès qu’il eut vingt-sept ans avec la même supériorité et direction de Saint-Cyr, qu’avoit son oncle. Il a paru que Dieu a béni ce choix ; il en a fait un des plus saints et des plus sages évêques de France, des plus assidus et appliqués en son diocèse, d’où il ne sort presque jamais, et qui, sans avoir la science ni le monde de son oncle, fait aimer et respecter la vertu et craindre le vice sans le poursuivre, sinon dans les cas de nécessité et avec charité. Il fait craindre aussi la cour par sa liberté à dire la vérité, et avec toute l’apparente saleté et grossièreté des séminaires, il ne laisse pas d’avoir de l’adresse et de la délicatesse dans le gouvernement ; il vit austèrement, tout à ses fonctions et ses visites, est à peine nourri et vêtu, donne tout aux pauvres, et n’a jamais voulu demander d’abbayes ni recevoir celles qui lui ont été données.

La mort de M. de Chartres mit deux hommes sur le chandelier qu’il avoit fort recommandés à Mme de Maintenon : Bissy, évêque de Meaux, auparavant de Toul, bientôt après cardinal, qui succéda à toute sa confiance pour les affaires de l’Église, dont il sut faire sa fortune et bien pis, et La Chétardie, curé de Saint-Sulpice, fort saint prêtre, mais le plus imbécile et le plus ignorant des hommes.

Ce dernier succéda à la confiance personnelle de Mme de