Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/389

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le premier courrier avoit porté toute la disgrâce de la nouvelle dont il étoit chargé ; on étoit d’ailleurs si malheureusement accoutumé aux déroutes et à leurs funestes suites, qu’une bataille perdue comme celle-ci la fut sembla une demi-victoire. Les charmes de l’heureux Nangis rassérénèrent l’horizon de la cour, où il ne faut pas croire qu’au nombre, au babil et à l’usurpation du pouvoir des dames, sa présence fût inutile à rendre le malheur plus supportable.

Cette lettre, qui fut rendue publique, parut si outrée qu’elle fit un tort extrême au maréchal de Boufflers. D’Antin, ami intime de Villars, en saisit tout le ridicule pour l’obscurcir auprès du roi. Ses fines railleries prirent avec lui jusqu’aux airs de mépris, et le monde, indigné d’une lettre si démesurée, en oublia presque Lille, et ce sentiment héroïque qui l’avoit porté à l’aide de Villars. Tel fut l’écueil qui froissa ce colosse de vertu à l’aide des envieux et des fripons, et qui donna lieu à une raison plus cachée, qui se verra bientôt, de réduire cette espèce de dictateur à la condition commune des autres citoyens.

Le fortuné Villars, enrichi à la guerre où tous les autres se ruinent, maréchal de France pour une bataille qu’il crut perdue, lors même que d’autres que lui l’eurent gagnée ; chevalier de l’ordre parce que le roi s’avisa de le donner à tous les maréchaux de France ; duc vérifié pour un simple