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s’y mettre, et le maréchal de Boufflers se chargea de la droite.

Sur les sept heures du matin que le brouillard fut dissipé, on aperçut les colonnes des ennemis marcher et se déployer, et pendant quelque canonnade, les deux ailes de notre armée furent vigoureusement attaquées par l’infanterie des ennemis. Ils avoient eu la précaution de tenir leur cavalerie éloignée et presque en colonnes, pour ne la pas exposer à notre artillerie, tandis que la nôtre, qui barroit les deux trouées pour soutenir notre infanterie, étoit fouettée par leur canon à demi-portée, et y perdit beaucoup sans utilité six heures durant, avec cette inégalité que notre canon ne pouvoit tirer que sur de l’infanterie éloignée et qui fut bientôt aux prises avec la nôtre, ce qui fit cesser notre artillerie sur elle.

L’attaque cependant se poussoit vertement à notre gauche. Les ennemis profitèrent de tous les avantages d’avoir bien reconnu notre terrain, et ne se rebutèrent point des difficultés qu’ils y rencontrèrent à tacher de rompre les pointes de nos ailes et d’en culbuter les courbures. Ils jugèrent bien que l’attaque faite à tous les deux à la fois attireroit toute l’attention du maréchal de Villars, et qu’ayant une plaine vis-à-vis de son centre, c’est-à-dire les deux trouées qui ont été expliquées, et la petite plaine au delà, il dégarniroit le centre au besoin, dans la pensée qu’il auroit toujours loisir d’y voir former l’orage, et d’y pourvoir à temps. C’est ce qui fit le malheur de la journée.

Les ennemis repoussés de notre gauche y portèrent leurs plus grandes forces d’infanterie et la percèrent. Alors Villars, voyant ses troupes ébranlées et du terrain perdu, envoya chercher presque toute l’infanterie du centre, où il ne laissa que les brigades des gardes françaises et suisses, et celle de Charost, sans qu’avec ce renfort il pût rétablir cette gauche sur laquelle les ennemis continuèrent de gagner force terrain.