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conspirateurs ; et les gens de Mme de Lislebonne faisoient toutes les allées et venues.

Un perruquier, dont le grand-père avoit servi utilement à la seconde conquête de la Franche-Comté, fut sondé, puis admis dans le complot. Il en avertit Le Guerchois, qui de l’intendance d’Alençon avoit passé à celle de Besançon, mon ami très particulier, comme on l’a vu ailleurs, et de qui j’ai su ce que je rapporte. Le Guerchois l’écouta, et lui ordonna de continuer avec les conspirateurs pour être en état de savoir et de l’avertir, ce qu’il exécuta avec beaucoup d’esprit, de sens et d’adresse.

Par cette voie, Le Guerchois sut qu’il y avoit dans la conspiration de trois sortes de gens : les uns, en petit nombre, voyoient les officiers principaux que l’empereur y employoit, venus exprès et cachés aux bords du Rhin, de l’autre côté, et ceux qui les voyoient par les védelins savoient tout et menoient véritablement l’affaire ; les autres, instruits par les premiers, mais avec réserve et précaution, s’employoient à engager tout ce qu’ils pouvoient de gens dans cette affaire, distribuoient les libelles et les commissions de l’empereur, ils étoient l’âme de l’intrigue et les conducteurs dans l’intérieur de la province ; les derniers enfin étoient des gens qui, par désespoir des impôts et de la domination française, s’étoient laissé gagner, et qui étoient en très grand nombre.

Le Guerchois voulut encore davantage, et y fut également bien servi par le perruquier. Il s’insinua si avant auprès du bailli de Mme de Lislebonne et du curé de la paroisse où demeuroit ce bailli, qu’ils l’abouchèrent delà le Rhin avec un général de l’empereur, et de chez eux avec les principaux chefs de leur intelligence et de toute l’affaire dans la province. Il apprit d’eux qu’un gros corps de troupes de l’empereur devoit tenter, à force de diligence, d’entrer en Franche-Comté, et tout risquer pour y pénétrer s’il rencontroit des troupes françaises qui s’y opposassent.

Instruit de la sorte, Le Guerchois, qui en avoit déjà communiqué