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temps de mettre pied à terre. Il s’avança ainsi à pied avec le duc de Grammont parmi ce peuple infini et furieux, à qui le maréchal demanda ce que c’étoit, pourquoi tout ce bruit, promettant du pain, et leur parlant de son mieux avec douceur et fermeté, leur remontrant que ce n’étoit pas là comme il en falloit demander. Il fut écouté, il y eut des cris à plusieurs reprises de vive M. le maréchal de Boufflers, qui s’avançoit toujours parmi la foule et lui parloit de son mieux. Il marcha ainsi avec le duc de Grammont le long de la rue aux Ours, et dans les rues voisines jusqu’au plus fort de cette espèce de sédition. Le peuple le pria de représenter au roi sa misère et de lui obtenir du pain. Il le promit, et sur sa parole, tout s’apaisa et se dissipa, avec des remercîments et de nouvelles acclamations de vive M. le maréchal de Boufflers ! Ce fut un véritable service.

Argenson y marchoit avec des détachements des régiments des gardes françaises et suisses, et sans le maréchal il y auroit eu du sang répandu qui auroit peut-être porté les choses fort loin. On faisoit même déjà monter à cheval les mousquetaires.

À peine le maréchal était-il rentré chez lui à la place Royale avec son beau-père, qu’il fut averti que la sédition étoit encore bien plus grande au faubourg Saint-Antoine. Il y courut aussitôt avec le duc de Grammont, et l’apaisa comme il avoit fait l’autre. Il revint après chez lui manger un morceau, et s’en alla à Versailles. Il ne voulut que sa chaise de poste, un laquais derrière et personne avec lui à cheval jusqu’au cours, affectant de traverser tout Paris de la sorte. À peine fut-il sorti de la place Royale, que le peuple des rues et les gens de boutiques se mirent à crier qu’il eût pitié d’eux, qu’il leur fit donner du pain ; et toujours : Vive M. le maréchal de Boufflers ! Il fut conduit ainsi jusqu’au quai du Louvre.

En arrivant à Versailles, il alla droit chez Mme de Maintenon