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tous les mariages et de tous les testaments, et a qui, comme à tout Lamoignon, il ne se falloit fier que de bonne sorte. Il avoit cédé sa charge à son fils, que le fils de celui-là possède encore, qui, en tout, ont bien moins valu même que celui dont il s’agit ici.

Ricousse mourut aussi, qui avoit été envoyé en Bavière. C’étoit un homme d’esprit, de valeur, de ressource, estimé, et qui avoit beaucoup d’amis qui lui faisoient grand honneur, et Villeras, sous-introducteur des ambassadeurs, fort honnête homme et modeste, savant, qui leur plaisoit à tous, et dont on se servoit à toutes les commissions délicates à leur égard. Il s’étoit fait fort estimer, et voyoit gens fort au-dessus de son état, par un mérite digne d’être remarqué. Son père étoit secrétaire du président de Mesmes, et mort chez lui, où Villeras logea aussi toute sa vie.

Le duc d’Albe perdit son fils unique, qui avoit sept ou huit ans. Il le faisoit appeler le connétable de Navarre, dignité héréditaire dans sa maison, vaine et réduite au seul nom comme celles de connétable et d’amirante de Castille ; mais ces deux-ci ont la grandesse que l’autre prétendoit, et qu’elle n’a eue que de Philippe V, lorsqu’il envoya le duc d’Albe ambassadeur en France. Tous les vœux et les dévotions singulières que fit la duchesse d’Albe pour obtenir la guérison de son fils surprirent fort ici, jusqu’à lui faire prendre des reliques en poudre par la bouche et en lavement. Enfin il mourut, et son corps fut renvoyé en Espagne, en habit de cordelier, autre dévotion espagnole. Ils furent fort affligés, surtout la duchesse d’Albe, avec des éclats étranges. Le roi leur envoya faire compliment, et les fils de France et toute la cour y fut.

Mme de Mailly, qui n’avoit pas donné grand’chose à Mme de Listenois en mariage, fit en sorte, par Mme de Maintenon et Mme la duchesse de Bourgogne, de faire donner la Toison à Listenois son gendre, malgré la belle équipée dont j’ai parlé et dont elle avoit été la dupe. Son nom étoit Beaufremont,