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venger de ma liberté et de ma force à parler et à agir contre elle, avoit semé la fausseté contraire de laquelle toute la cour avoit été témoin ; que Mgr le duc de Bourgogne étoit bien persuadé de la vivacité de ma conduite à cet égard, qui m’avoit attiré de nombreux ennemis, et qu’il seroit bien douloureux qu’elle fût la seule qui ne la fût pas après avoir vu et su par Mme de Nogaret, l’extrême intérêt que j’avois pris en celui de Mgr le duc de Bourgogne. La même légèreté qui l’avoit aliénée la ramena aisément au souvenir de ce qu’on avoit effacé de son esprit, et les suites ont dû nous persuader que ces fausses impressions étoient demeurées à leur tour effacées.

Elle dit ensuite à Mme de Saint-Simon que j’avois des ennemis puissants, et en nombre, qui ne, perdoient point d’occasions de me nuire ; qu’on avoit extrêmement grossi au roi mon attachement à ma dignité, et parla de cette méchanceté de M. le Duc que j’ai rapportée sûr les manteaux ; qu’on m’accusoit de blâmer sans mesure ce qu’il faisoit, et de parler mal des affaires ; que Mme de Saint-Simon étoit bien avec le roi, estimée et considérée, mais qu’il avoit conçu une grande opposition pour moi, que le temps seul et une conduite fort sage et fort réservée pouvoit diminuer ; que l’on disoit que j’avois beaucoup plus d’esprit, de connoissances et de vues que l’ordinaire des gens, que chacun me craignoit et avoit attention à moi, qu’on me voyoit lié à tous les gens en place, qu’on redoutoit que j’y arrivasse moi-même, et qu’on ne pouvoit souffrir ma hauteur et ma liberté à m’expliquer sur les gens et sur les choses d’une façon à emporter la pièce, que ma réputation de probité rendoit encore plus pesante.

Mme de Saint-Simon la remercia fort d’avoir bien voulu entrer ainsi en matière avec elle, et répliqua fort à propos que, n’y ayant rien d’essentiel à reprendre dans l’essentiel de ma conduite ni dans le courant de ma vie, on m’attaquoit par des lieux communs qui, par leur vague, pourvoient convenir