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Saint-Simon avec Mme la duchesse de Bourgogne. — Causes de l’éloignement du roi pour moi. — Folle ambition d’O et de sa femme qui me tourne à danger. — Changements en Espagne. — Amelot, refusé d’une grandesse pour sa fille, arrive à Paris, perdu.


C’étoit, ce semble, le temps des orages à la cour ; il en grondoit un qui menaçoit tous les ministres. Celui qui fut si près d’accabler M. le duc d’Orléans ne fut pas plutôt passé que l’autre sembla se renouveler.

Le retour d’Amelot, toujours à la veille de partir d’Espagne, parut une bombe en l’air qui les menaçoit tous. Il y avoit été à la tête de toutes les affaires qu’il avoit trouvées dans le plus grand chaos et dans un épuisement étrange ; il gouverna les finances, le commerce, la marine, avec tant d’application et de succès, que malgré le malheur de la guerre il les rétablit dans le plus grand ordre, les augmenta considérablement, acquitta une infinité de choses, régla les troupes, les rendit plus belles, plus choisies, plus nombreuses, les paya exactement, et peu à peu remplit toutes les sortes de magasins. Cela parut une création, et ce qui ne fut pas moins merveilleux, c’est qu’avec une fermeté que rien n’affaiblissoit et qui se faisoit ponctuellement obéir, il ne laissa pas de s’acquérir les cours de tous les ordres de l’Espagne par ses manières douces, prévenantes, polies, respectueuses, au milieu de ce grand pouvoir, comme sa capacité lui en acquit l’estime, et sa probité la confiance, et cela tout d’une voix, et cependant toujours très bien, et même en amitié avec la princesse des Ursins.

Cette grande réputation, qui depuis tant d’années dure encore en bénédiction en Espagne, et où, douze ans après son retour, tout ce que j’y vis me demanda de ses nouvelles avec empressement, se répandit sur ses louanges, et en étonnement de ce qu’il n’étoit pas en première place en France, étoit pleinement connue en notre cour, où on sentoit le besoin de ministres d’un mérite aussi éprouvé que le