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encore longtemps. Chacun en crut ce qu’il voulut, suivant ses affections et ses idées. Le roi en demeura éloigné de son neveu ; et Monseigneur, qui n’en revint jamais, le lui fit sentir non seulement en toute occasion, mais jusque dans la vie ordinaire, d’une façon très mortifiante. La cour en étoit témoin à tous moments et voyoit le roi sec avec son neveu, et l’air contraint avec lui. Cela ne rapprocha pas le monde de ce prince, dont le malaise et la contrainte, après quelque temps d’une conduite un peu plus mesurée, l’entraîna plus que jamais à Paris par la liberté qu’il ne trouvoit point ailleurs, et [pour] s’étourdir par la débauche.

Si Mme des Ursins fut mortifiée de n’avoir fait que toucher au but qu’elle s’étoit proposé, Mme de Maintenon et ses consorts, Mlle Choin et les siens n’en furent pas plus contents, et prirent grand soin de nourrir et de tourner en haine et aux plus fâcheux soupçons l’éloignement du roi et de Monseigneur, et de tenir le monde dans l’opinion que c’étoit mal faire sa cour que de voir M. le duc d’Orléans aussi son abandon demeura-t-il le même. Il le sentoit, mais, abattu de sa situation avec le roi et Monseigneur, il ne fit pas grand’chose pour se rapprocher le monde, qui néanmoins ne le fuyoit plus comme dans le fort de cette affaire et l’incertitude de ce qu’elle deviendroit.




CHAPITRE XIX.


Mérite et capacité d’Amelot. — Tous les ministres menacés. — Singulière consultation du chancelier et de la chancelière avec moi. — Mesures de retraite à la Ferté. — Conversation particulière et curieuse sur ma situation de Mme de