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de ses protestations, et qui me parut tout attendre de l’effet des lettres du roi. Je lui demandai, à cette occasion, des nouvelles de Renaut ; et j’ai appris qu’il n’en avoit eu aucune depuis la réponse qu’il lui avoit faite à l’ordre de revenir ; que Flotte ne l’avoir trouvé ni sur la route ni à Madrid, et qu’on ne savoit ce qu’il étoit devenu. Tout cela me fit entrer en soupçon qu’il y avoit du plus en cette affaire, que Renaut avoit été arrêté, et que ces choses ne s’étoient point exécutées sans la participation du roi. Je dis à M. [le duc] d’Orléans que cela seul de n’avoir point eu de nouvelles de Renaut depuis le départ de Flotte lui auroit dû donner de l’inquiétude de l’un et des précautions pour l’autre. Il en convint, puis me dit que, Flotte n’étant allé que sur ce que le roi lui avoit dit de ses protestations, il n’avoit pu prendre de défiance ; qu’à la façon dont le roi lui avoir parlé il ne pouvoit croire qu’il y fût entré, mais un coup de hardiesse et de curiosité de Mme des Ursins, qui donnoit en cela un second tome des dépêches de l’abbé d’Estrées, pour découvrir à quels ennemis elle avoit affaire, et cacher la sienne sous le prétexte l’une affaire d’État, dont les moindres soupçons excusent tous les éclats. Ce raisonnement, que la connoissance des artifices et de la hardiesse de la princesse des Ursins m’avoit déjà fourni en moi-même, me persuada encore plus de la bouche de M. le duc d’Orléans, et je crus qu’il falloit suspendre tout raisonnement jusqu’à l’arrivée de la réponse d’Espagne.

Cependant, on ne l’attendit pas pour exciter le déchaînement contre M. le duc d’Orléans. La cabale de Meudon avoit manqué à demi son coup sur Mgr le duc de Bourgogne, mais elle l’avoit détruit auprès de Monseigneur. L’occasion étoit trop belle contre le seul du sang royal qui pût figurer pour n’en pas profiter dans toute son étendue, et se faire place nette. Cette politique se trouvoit aiguisée de la haine personnelle de Mme la Duchesse, fondée sur les distinctions de rang auquel les princes du sang ne pouvoient s’accoutumer,