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contre tout venant. Tant de bruit étonna le roi enfin, et le porta, par Mme de Maintenon, à ce qu’il n’avoit jamais fait sur une affaire discutée et résolue. Il suspendit les ordres, et rassembla le conseil d’État pour délibérer de nouveau sur cette affaire. Le débit de part et d’autre y fut très vif, Monseigneur parla fort hautement, dont la conclusion fut un mezzo-termine, tous ordinairement fort mauvais.

Il fut résolu de laisser soixante-six bataillons au roi d’Espagne, pour ne le pas tout à fait abandonner à l’entrée d’une campagne, et sans l’en avoir averti à temps ; et de faire revenir le maréchal de Besons avec tout le reste des troupes françaises, en laissant Asfeld général de celles qui demeureroient avec quelques officiers généraux.

Ce parti pris et déclaré ne satisfit personne. Ceux qui vouloient soutenir l’Espagne s’en prévalurent pour crier qu’ils avoient donc eu raison, et pour blâmer d’autant plus de n’y laisser qu’une partie des troupes, et en rendre le tout inutile : en Espagne par ce grand retranchement, à nos frontières par la longue marche que celles qu’on rappeloit auroient à faire pour se rendre à nos armées du Dauphiné et de Roussillon dont nous avions à garder les frontières peu couvertes des Catalans assistés des ennemis, peu occupés qu’ils seroient par le roi d’Espagne si affaibli et partagé à faire tête à eux, au Portugal, et même en d’autres lieux plus intérieurs. Ceux qui voulurent le rappel entier demeurèrent dans le silence, honteux d’avoir perdu leur cause devant le tribunal du public, et de ne l’avoir pas gagnée dans la révision qui s’en étoit faite au conseil. Mais ils n’en furent pas plus persuadés. Les ordres furent expédiés aussitôt conformément à cette dernière résolution.

Le lendemain qu’elle eut été, prise, Chevreuse, prenant Boufflers par le bras, suivant tous deux le roi qui sortoit de la messe, lui dit en riant, comme pour se raccommoder avec lui : « Vous avez vaincu. » Mais le maréchal, bouillant encore, et dépité du parti mitoyen, lui fit une si vive repartie,