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chez moi, je me mis à écrire en haut quelque chose sur les milices de Blaye, ce que je cite parce qu’on en verra de grandes suites. Comme j’y travaillois, la maréchale de Villars entra en bas qui me demanda. J’envoyai mon mémoire à Pontchartrain, et je descendis. Je trouvai la maréchale debout et seule, parce que Mme de Saint-Simon étoit sortie, qui me demanda si je ne savois rien, et qui me dit : « Le Chamillart n’est plus. » À ce mot, il m’échappa un cri comme à la mort d’un malade quoique dès longtemps condamné et dont pourtant on attend la fin à tous moments. Après quelques lamentations, elle s’en alla au souper du roi, et moi par les cours, pour n’être point vu, et sans flambeaux, chez M. de Beauvilliers, que je venois d’apprendre par la maréchale de Villars avoir été chez lui le congédier. M. de Beauvilliers, qui étoit d’année, étoit allé chez le roi, quoique le duc de Tresmes servît toujours pour lui les soirs. Je trouvai Mme de Beauvilliers avec Mme de Chevreuse, Desmarets et Louville. Je jetai d’abord un regard sur le contrôleur général dans la curiosité de le pénétrer, et je n’eus pas de peine à sentir un homme au large et qui cachoit sa joie avec effort. J’abordai Mme de Beauvilliers, qui avoit les larmes aux yeux, et de qui je ne sus pas grand’chose dans cette émotion. J’y fus peu et me retirai chez moi, où la maréchale de Villars vint souper.

Mme de Saint-Simon étoit allée faire sa cour à Mme la duchesse de Bourgogne dans ce grand cabinet de Mme de Maintenon, où elle entendit quelque bruit confus et tout bas de la nouvelle. Elle demanda à Mme la duchesse de Bourgogne si cela avoit quelque fondement. Elle ne savoit rien, parce qu’elle n’avoit pas été rappelée dans la chambre depuis qu’elle en toit sortie, et n’avoit osé y rentrer ce soir-là d’elle-même. Apparemment que les grands coups s’y ruaient pour le successeur, dont personne ne parloit encore, et que c’étoit pour cela qu’on la laissoit dehors. Elle dit à Mme de Saint-Simon d’aller au souper du roi, où elle lui apprendroit