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CHAPITRE XV.


Disgrâce de Chamillart. — Magnanimité de Chamillart. — Caractère de Chamillart et de sa famille. — Voysin secrétaire d’État ; sa femme ; leur fortune ; leur caractère. — Spectacle de l’Étang. — Procédé infâme de La Feuillade. — Accueil du roi à Cani. — Beau procédé de Le Guerchois.


Le dimanche 9 juin, sur la fin de la matinée, la maréchale de Villars, qui logeoit porte à porte de nous, entra chez Mme de Saint-Simon, comme elle faisoit souvent, et d’avance nous demanda à souper pour causer, parce qu’elle croyoit qu’il y auroit matière. Elle nous dit qu’elle s’en alloit dîner en particulier avec Chamillart ; qu’un temps étoit que c’eût été grande grâce, mais que, pour le présent, elle croyoit la grâce de son côté. Ce n’étoit pourtant pas qu’elle sût rien, à ce qu’elle nous assura depuis, mais elle parloit ainsi sur les bruits du monde, qui, surtout depuis le mardi et le mercredi que le discours du nonce s’étoit su, étoient devenus plus forts que jamais.

Ce même matin, le roi, en entrant au conseil d’État, appela le duc de Beauvilliers, le prit en particulier, et le chargea d’aller l’après-dînée dire à Chamillart qu’il étoit obligé, pour le bien de ses affaires, de lui demander la démission de sa charge et celle de la survivance qu’en avoit son fils ; que néanmoins il vouloit qu’il demeurât assuré de son amitié, de son estime, de la satisfaction qu’il avoit de ses services ; que, pour lui en donner des marques, il lui continuoit sa pension de ministre, qui est de vingt mille livres, lui en donnoit une autre particulière, encore à lui, d’autres