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Pignerol, où, après trois ans de Bastille, il passa le reste de ses jours, qui durèrent plus de seize ans, jusqu’en mars 1681, qu’il mourut à soixante-cinq ans. M. de Pomponne est l’autre que MM. de Louvois et Colbert, d’ailleurs si ennemis, mais réunis pour le perdre, firent chasser, par leurs artifices, de sa charge de secrétaire d’État des affaires étrangères en 1679 [1], assez contre le goût du roi, qui le rappela douze ans après dans le ministère à la mort de Louvois. Celui-ci mort subitement, la veille du jour qu’il devoit être arrêté, ne peut passer pour le troisième exemple. Chamillart le fut, et le dernier de ce règne, et peut-être le plus difficile de tous à chasser, sans toutefois d’autre appui que la, seule affection du roi, qui ne céda qu’à regret à toutes les forces qui furent employées à le lui arracher.

Sans répéter ce que j’ai déjà dit des causes qui le perdirent et qui lui déchaînèrent Mme de Maintenon et Mme la duchesse de Bourgogne, il faut parler d’une faute précédente qu’il aggrava sur la fin, mais d’une nature qui n’a été funeste qu’à lui seul. Jamais il n’avoit ménagé Monseigneur. Ce prince, qui étoit timide et mesuré sous le poids d’un père qui, jaloux à l’excès, ne lui lais soit pas prendre le moindre crédit, ne hasardoit que bien rarement de recommandations aux ministres, encore était-ce pour peu de chose, et poussé par quelque bas domestiques de sa confiance. Du Mont étoit celui qu’il en chargeoit, et qui, accoutumé à trouver Pontchartrain, lorsqu’il étoit contrôleur général, prompt à plaire à Monseigneur, et à en rechercher les occasions, se trouva bien étonné lorsqu’il eut affaire à Chamillart, successeur de l’autre aux finances. Celui-ci, faussement préoccupé, que, avec le roi et Mme de Maintenon

  1. Louis XIV, parlant dans ses Mémoires (t. II, p. 458) de la disgrâce d’Arnauld de Pomponne, s’exprime ainsi : « Il a fallu que je lui ordonnasse de se retirer, parce que tout ce qui passait par lui perdait de la grandeur et de la force qu’on doit avoir en exécutant les ordres d’un roi de France qui n’est pas malheureux. »