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P. Tellier l’avoit pressé pour le cardinal de Bouillon. Il les avoit refusés tous deux. Il demanda ensuite à Torcy si M. de Bouillon ne lui avoit pas parlé souvent pour son frère. Torcy lui dit qu’il ne lui en avoit point parlé. du tout. « Cela est fort extraordinaire, répliqua le roi d’un air piqué, qu’un frère ne parle pas pour son frère ; M. de Vendôme m’a bien pressé pour le sien. » C’est que le roi aimoit que toute une famille se sentit affligée d’une disgrâce, et que, lors même qu’il la vouloit le moins adoucir, il étoit blessé du peu d’empressement, et qu’on ne lui fournit pas l’occasion de refuser et d’humilier.




CHAPITRE XIV.


Fautes de Chamillart à l’égard de Monseigneur. — Énormes procédés de Mlle de Lislebonne à l’égard de Chamillart. — Vues et menées de d’Antin contre Chamillart. — Réunion contre Chamillart de Mme de Maintenon avec Monseigneur et Mlle Choin, qui refuse pension, Versailles et Marly. — Bruits fâcheux sur Chamillart. — Bon mot de Cavoye. — Grands sentiments et admirable réponse de Chamillart. — Durs propos de Monseigneur à Chamillart, qui achève de le perdre. — Cusani, nonce du pape, comble la mesure contre Chamillart.


Les armées étoient assemblées et les frontières en fort mauvais état ; elles étoient toutefois plus tranquilles que l’intérieur de la cour, où la fermentation étoit extrême. Depuis qu’à la mort du cardinal Mazarin le roi s’étoit mis à gouverner lui-même, c’est-à-dire en quarante-huit ans, on n’avoit vu tomber que deux ministres : Fouquet, surintendant des finances, qu’il ne tint pas à Colbert et à Le Tellier qu’il ne perdît la vie, et qui fut confiné dans le château de