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n’être pas chevalier de l’ordre ; on va voir que, quelque fou que cela fût, il n’avoit pas tout le tort [1].

Béziade, camarade de Joanne (qui est devenu le nom de famille de Saumery), eut un emploi à la porte de je ne sais quelle ville, pour les entrées, que Henri IV lui fit donner et continuer. Le fils de celui-ci le continua dans ce métier, mais il monta en emploi, et s’enrichit si bien que son fils n’en voulut point tâter, et préféra un mousquet. Il montra de la valeur et de l’aptitude, il eut des emplois à la guerre, il épousa une sœur de Foucault, longtemps après intendant de Caen, enfin conseiller d’État, qui étoit une femme pleine d’esprit d’intrigue et qui eut des amis considérables. En se mariant il prit le nom de d’Avaray ; il est devenu lieutenant général. Il a bien clabaudé de n’être pas maréchal de France et de voir ses cadets y être arrivés, et à la fin on l’a fait chevalier de l’ordre, qu’il n’a fait la grâce d’accepter qu’avec beaucoup de répugnance et de délais. Il avoit été quelque temps ambassadeur en Suisse, et n’y avoit point mal réussi.

Une autre fortune commença cette année en ce temps-ci à poindre grande, et peu espérable alors, traversée depuis d’une manière terrible, montée ensuite au comble avec la rapidité des plus incroyables hasards, mais conduite et soutenue par l’esprit, le travail, la persévérance infatigable, l’art et la capacité de deux frères également unis et amalgamés ensemble, qui peuvent passer pour les prodiges de ce siècle. Belle-Ile, petit-fils de M. Fouquet, si célèbre par sa fortune et sa plus que profonde disgrâce, étoit fils d’un homme qui s’étoit présenté à tout, et dont le roi n’avoit voulu pour rien à cause de son père, et l’avoit tenu plus de vingt ans en exil. Son mariage avec une sœur du duc de Lévi (je dis duc pour faire connoître l’alliance, car il ne le fut que trente ou trente-cinq ans depuis) ; ce mariage, dis-je,

  1. Voy. t. II, note, p. 452 et suiv. Voy. aussi les notes à la fin de ce volume.