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Je témoignai au duc de Beauvilliers, avec ma liberté accoutumée, que j’avois trouvé Mgr le duc de Bourgogne bien gai au retour d’une si triste campagne. Il n’en put disconvenir avec moi, jusque-là que je le laissai en dessein de l’en avertir. Tout le monde en effet blâma également une gaieté si peu à propos. Le mardi et le mercredi, occupés les soirs par le travail des ministres, se passèrent sans conversation ; mais le jeudi, qui souvent étoit libre, Mgr le duc de Bourgogne fut trois heures avec le roi chez Mme de Maintenon. J’avois peur que la piété ne le retint sur M. de Vendôme, mais j’appris qu’il avoit parlé à cet égard sans ménagement, fortifié par le conseil de Mme la duchesse de Bourgogne, et rassuré sur sa conscience par le duc de Beauvilliers, avec qui il avoit été longtemps enfermé le mercredi. Le compte de la campagne, des affaires, des choses, des avis, des procédés, fut rendu tout entier. Un autre peut-être, moins vertueux, eût plus appesanti les termes ; mais enfin tout fut dit, et dit au delà des espérances, par rapport à celui qui parloit et à celui qui écoutoit. La conclusion fut une vive instance pour commander une armée la campagne suivante, et la parole du roi de lui en donner une. Il fut ensuite question d’entretenir Monseigneur : cela vint plus tard de deux jours ; mais enfin il eut une assez longue conversation avec lui à Meudon, et avec Mlle Choin, à laquelle il parla encore davantage tête à tête. Elle en avoit bien usé pour lui auprès de Monseigneur. Mme la duchesse de Bourgogne la lui avoit ménagée. La liaison entre cette fille et Mme de Maintenon commençoit à se serrer étroitement. La Choin n’ignoroit pas la vivacité que l’autre avoit témoignée pour le jeune prince ; son intérêt n’étoit pas de se les aliéner tous, dont Mgr le duc de Bourgogne recueillit quelque fruit en cette importante occasion.

Gamaches et d’O avoient suivi les princes. Ce dernier, entièrement disculpé par eux, rapproché déjà par les manèges de sa femme et par la constante protection du duc de