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temps-là, Mme la duchesse de Bourgogne fit sentir à Monseigneur le peu de ménagement que Vendôme avoit pour elle. Retournée le soir à Versailles, elle en parla à Mme de Maintenon, et s’en plaignit ouvertement au roi. Elle lui représenta combien il lui étoit dur d’être moins bien traitée de Monseigneur que de lui-même, et que M. de Vendôme se fit ouvertement contre elle un asile de Meudon, et une consolation de Marly. Mme la princesse de Conti, avec quelques dames, étoient de ce voyage avec Monseigneur, entre autres Mme de Montbazon.

Le lendemain du jour que le roi y avoit dîné, M. de Vendôme se plaignit aigrement à Monseigneur de l’étrange persécution qu’il souffroit partout de Mme la duchesse de Bourgogne ; mais Monseigneur, qu’elle avoit prévenu la veille, répondit si froidement à Vendôme, qu’il se retira les larmes aux yeux, résolu toutefois de ne point quitter prise qu’il n’eût arraché de Monseigneur quelque sorte de satisfaction. Il entretint longtemps dans un cabinet Mme de Montbazon tête à tête, qui n’en sortit que pour aller prier Mme la princesse de Conti d’y passer, avec qui elle étoit fort bien, et qu’elle y suivit. Le colloque fut encore long entre eux trois et la conclusion que Mme la princesse de Conti parlât à Monseigneur le jour même en faveur de M. de Vendôme. Elle ne réussit pas mieux. Tout ce qu’elle en tira fut qu’il falloit que M. de Vendôme évitât Mme la duchesse de Bourgogne quand elle viendroit à Meudon, et que c’étoit bien le moindre respect qu’il lui devoit, jusqu’à ce qu’il l’eût apaisée et se fût remis bien auprès d’elle. Une réponse si sèche et si précise fut cruellement sentie ; mais il n’étoit pas au bout du châtiment qu’il avoit si plus que mérité [1]. Le lendemain mit fin à tous ces mouvements et à ces pourparlers.

  1. Cette vieille locution, il avait si plus que mérité, peut se traduire par il n’avait que trop mérite.