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la même prétention de Chypre, fils d’une fille de Philippe II, roi d’Espagne, et mari d’une fille d’Henri IV, sœur de Louis XIII, n’y avoit jamais songé.

Le grand-duc à cet exemple, gendre de Gaston, le prit bien des années après ; et le duc de Lorraine s’en avisa aussi après son mariage avec la fille de Monsieur, quoique son père, beau-frère de l’empereur Léopold, ni son trisaïeul, gendre d’Henri II, et si follement favorisé de Catherine de Médicis sa belle-mère, n’y eussent jamais pensé, et se fussent contentés de l’Altesse simple. Le duc d’Holstein-Gottorp, père de celui-ci, gendre du czar frère du fameux czar Pierre Ier, fils de la sœur aînée du dernier fameux roi de Suède, et de même maison que le roi de Danemark, se donna aussi et obtint de l’empereur l’Altesse Royale. Ces trois derniers ne l’ont jamais pu obtenir du feu roi.

Ce nouveau titre d’Altesse royale de Gaston réveilla les souverains. Ils ajoutèrent à leur Altesse simple le Sérénissime, qu’ils prirent apparemment sur la sérénité des doges de Venise et de Gênes, lesquels ne prennent point l’Altesse. Les princes du sang, qui ne s’étoient pas trop attachés à l’Altesse, la voulurent, et la prirent Sérénissime, parce qu’ils ne cèdent à aucuns souverains, et qu’ils ne voulurent pas les laisser se hausser de titre sans s’approprier le même.

Alors les cadets de maisons souveraines ramassèrent l’Altesse simple réservée aux seuls souverains qui venoient de l’abandonner. La preuve de cette époque est claire. MM. de Guise, si maîtres en France durant la Ligue, et par là même si considérés dans toute l’Europe, et qui ont, pendant ce qui se peut appeler leur règne absolu, si fort augmenté le rang de leur maison, n’ont jamais été traités d’Altesse. Cela se voit dans tous les Mémoires et les histoires de tous ces temps-là, qui sont pleines des lettres qu’ils ont écrites et qu’ils ont reçues de toutes sortes de gens et de toutes sortes d’États, dont aucun ne les traite d’Altesse ; et ce qui en