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à la fin lui déplairoit. Je tins bon, et jamais il ne m’a fait apercevoir qu’elle lui fût désagréable. À plus forte raison je n’ai jamais dit Monseigneur au-dessous, qui me voyant toujours dire Monsieur à M. le duc d’Orléans, n’osèrent le trouver mauvais, et jusqu’à présent encore je me suis conservé ce pucelage. Je n’ai jamais dit Monseigneur qu’aux deux fils de France, pour qui cet usage s’introduisit général fort peu après le mariage de Mgr le duc de Bourgogne comme insensiblement, mais avec rapidité, sans exception que des princes du sang et bâtards, encore tortilloient-ils entre leurs dents. M. de Beauvilliers [ne dit] jamais en sa vie que Monsieur, et presque toujours aussi M. de Chevreuse. Les dames leur dirent aussi Monseigneur, et à la fin en sont venues pendant la régence, mais surtout pendant que M. le Duc a été premier ministre, à le dire presque toutes aux princes du sang, qui fut le temps où presque de vive force le Monseigneur en leur parlant devint général.

Comme tout va toujours croissant, M. de Vendôme dans son apogée l’introduisit à l’armée d’Italie, où qui que ce soit peu à peu n’osa plus lui dire Monsieur. Il soutint cet usage en Flandre ; mais il échoua tout à fait à Paris et à la cour dans les voyages qu’il y fit dans sa plus grande splendeur. Il n’y eut pas jusqu’au maréchal de Montrevel, dans son commandement de Guyenne, qui ne l’établit parmi tous les officiers d’abord, et de là dans toute la noblesse pour le premier commandant qui l’ait osé, et qui trouvoit tout publiquement très-mauvais que qui que ce fût portant l’épée lui dit Monsieur. Il les y avoit tous ployés, et aucun ne s’y hasardoit. D’abus en abus, quand on les souffre, jusqu’où ne tombe-t-on pas ?

La curiosité de cette digression me la fera allonger pour l’Altesse. Peu à peu les rois ont pris la Majesté réservée à l’empereur, comme bien plus anciennement les papes se sont réservé la Sainteté que prenoient non seulement les patriarches mais les évêques. L’Altesse abandonnée, et il n’y